Barbares

Barbares d'Erik Rémès

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Barbares Erik Rémès LC Éditions Le Barbare est un jeune noir des cités, chef du Gang des Barbares, Je suis le cerveau des Barbares, vingt-cinq ans, black de Côte d'ivoire. Le chef ! Calculateur, méchant, cynique et manipulateur. Je fais peur. Le groupe (une trentaine de keumés me filent un coup de main) se compose d'adolescents paumés, marginaux, jeunes chômeurs, rejetés par le système (Jérôme, Smiler, Fabrice, Yahia, Zigo, Nabil, Kader, Giri...) ; ils ne parviennent à exister qu'à travers la violence et la peur qu'ils inspirent. Ils vivent de vols, d'agressions, de deals, de trafics en tout genre. Les Barbares sont un putain de mélange de crime et haine. Ils prennent en otage un jeune gay et demandent une rançon à ses parents. Le père alerte aussitôt la police, compliquant leur dessein. Le roman s'inspire de l'histoire du jeune juif Ilan Halimi capturé, torturé puis tué par le chef du Gang des Barbares Youssouf Fofana. Erik Rémès reprend l'argument de ce fait-divers pour construire un texte d'une rare violence. Le narrateur est le chef. Chaque chapitre (il y en a 94 + un prologue et un épilogue) débute par : Je suis le Barbare, manière (primaire, primitive ?) de revendiquer ce désir de reconnaissance qui lui est nié en dehors de la cité. Il relate les trois semaines de captivité de la victime. Le récit est cru, il recrée un langage propre à la cité (verlan, néologismes, argot, expressions, tics idiomatiques...). A travers la voix du narrateur, Erik Rémès analyse avec minutie et lucidité la (sur-)vie dans les banlieues, le quotidien de ces quartiers, de ces zones de non-droit : violence, haine, homophobie, misogynie, échec scolaire, économie parallèle, familles explosées, appartenance au groupe, destruction des infrastructures, désertion des services publiques, problèmes ethniques, prison, désintérêt de la politique, alcool, drogue, etc. Le séquestré est enfermé dans une chambre, ligoté, les yeux bandés pour qu'il ne reconnaisse pas ses bourreaux. Il subit toutes sortes d'agressions, d'humiliations, de tortures extrêmes (physiques, morales, psychologiques). Ses ravisseurs le tabassent à longueur de journée, par plaisir, pour lui faire mal, le voir souffrir. Il l'appelle l'Enculé, la pute, le dép. Au fur et à mesure que les jours passent, la remise de la rançon se complique. La colère et la méfiance des membres du Gang ravivent la haine envers la victime dont l'état de santé se détériore rapidement. Eric Rémès parvient à démontrer à quel point dans ces situations extrêmes, l'humain cède sa place à l'animal, la folie à la raison, la vertu au vice et à la perversion, le bien au mal. Barbares est un roman particulièrement réussi, un miroir dérangeant (esperpéntico) qui reflète l'horreur de la société que nous construisons (ou détruisons). C'est un récit qui met le doigt dans la plaie purulente d'un monde postcolonial, ségrégationniste, raciste, obscur, violent, primaire. Barbares n'est pas un livre écrit pour être aimé ou apprécié, là n'est pas son propos, bien au contraire : on le referme avec écœurement, indignation. Il s'agit d'un roman qui dérange, révolte, révulse ; il nous interroge sur notre société, sur notre temps, sur notre (in-)humanité. Pour tisser sa toile narrative, l'auteur emprunte les fils de la fiction (réaliste, sociale, psychologique), de l'essai (sociologique) et du journalisme (social, politique), donnant à son texte une richesse et une consistance indéniables. Erik Rémès a écrit un roman brut, un coup-de poing littéraire parfaitement maîtrisé, construit dans une langue riche de références qui se réapproprie un métalangage permettant d'explorer et de réfléchir à l'écriture (en tant que matériau narratif) dans sa verticalité. Une étonnante réflexion sur les conséquences de la barbarie sociale qu'engendre notre système social, politique et économique. A lire absolument, jusqu'à en avoir la nausée.