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Liste des extraits
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Divers extraits Premier chapitre
-Tu ne toucheras pas le sexe de ma femme. Pas tout de suite en tout cas. Tu resteras habillé, en débardeur et jogging. La femme se déshabille, comme une femme, lentement, pliant un à un ses vêtements, nettement, avant de les poser sur le dossier de la chaise, sagement rangés. Elle est pas mal du tout Julie, 30, 35 ans peut-être, une jolie fille, sympa. Cela va être agréable, ce corps de femme, doux et soyeux. Ça change beaucoup des hommes, le corps des femmes, c’est vraiment autre chose. Patrick est pas mal non plus, grand, mince, la cinquantaine très-très bien portée, en costard, viril, sexe. Il a tout l’air d’un pur hétéro, je trouve ça très excitant. Sexe. J’aime bien baiser avec des couples hétéros. C’est le premier couple que je reçois depuis que je suis masseur. Jusqu’à présent, depuis les quelques semaines où j’ai commencé à me prostituer, je n’ai reçu que des hommes, mariés pour la plupart, des hétéros en goguette, en quête de virilité, le trou à combler. Il faut que je vous raconte. Bonjour je suis BerlinTintin, j’ai trente-trois ans, je suis masseur et prostitué. Il n’y a pas de métier idiot. Il n’y a que des métiers bien ou mal faits. J’essaie d’être un bon tapin. Une bonne pute. Ce n’est pas facile, pas facile d’être un gigolo. Mais, avec le temps, je commence à y parvenir. J’apprends plein de choses, sur les gens, sur les autres, sur moi, sur le corps et la sexualité, je rencontre beaucoup d’hommes et de femmes, des couples, trop peut-être, mais c’est très-très intéressant, humainement parlant. Je vous le dis tout de suite : je ne suis pas tombé dans la prostitution, comme on tombe en décadence. C’est un choix de vie, que j’assume pleinement. Je suis devenu pute parce que la vie qu’on a, de nos jours, basée sur l’argent et sa quête, je trouve ça lamentable. Il est vrai que j’avais besoin d’argent, c’était vital aussi. Mais si je suis devenu pute, en fait, c’est pour avoir le temps de finir mon livre, « Je bande donc je suis ». Pour l’instant, je n’ai pas encore trouvé d’éditeur. Etre pute correspond à un projet de vie artistique quoi. J’ai mis du temps à assumer ce boulot de pute, pas mal de temps même. Ce n’est pas facile à assumer d’être une pute. Vous savez, le regard des gens… Il faudrait peut-être que je vous raconte comment tout à commencé. L’origine de tout cela, les massages, la prostitution. Le pourquoi du comment, quoi. Cela me semble important, sinon, vous n’allez rien comprendre à mon histoire, l’histoire de BerlinTintin, et ce serait bien dommage. Il est important que vous compreniez tout ce qui s’est passé, comment et pourquoi cela s’est passé. Je vous raconte donc tout. Voilà quelques mois que j’ai enfin ma nouvelle maison monde près de la grande forêt de l’Est. Après un an d’errance, oui un an, à droite à gauche, chez les copains. La galère quoi. Plus de maison, plus d’amour, plus de boulot. Je vous raconte (de toute façon, vous verrez bien, je vous raconte tout, je ne vous cache rien). Le XIIème arrondissement, ce n’est pas si mal que ça, oui-oui ! C’est un peu excentré, c’est certain, mais j’ai justement envie d’être reculé, décentré. Je suis un garçon assez décalé. Plus envie d’être dans le Marais, comme avant, rue des Blancs Manteaux. Le quartier du Marais devient de plus en plus gay, très, un peu trop pour moi, pour y vivre en tout cas. Les établissements foisonnent, éclosent. C’est quand même très bien pour les homos. Bon c’est sûr, le XIIème, ce n’est pas super excitant, pas de troquets branchés, encore moins de lieux nocturnes, beaucoup de vieux, mais bon, ce n’est pas mal du tout. Les vieux, depuis dix ans que je suis à Paris, je n’avais jamais parlé avec eux. Je ne fréquentais aucun vieux. Et là, je parle à mes petites mémés, je les aide pour les courses. Au supermarché, comme je suis grand, 1,90 m, tout de même, oui-oui, on me demande toujours de chercher quelque chose perché là-haut sur la dernière étagère. Et moi, bonne pâte, je me déplie et me transcende pour atteindre l’objet de leur convoitise. C’est vrai, à ce Momoprix, les étagères sont vraiment très-très hautes, c’est étonnant. Elles sont toujours contentes les petites vieilles quand je m’occupe d’elles. D’ailleurs, ça m’étonne franchement qu’elles me parlent aussi facilement. Peut-être parce qu’elles commencent à me connaître dans le quartier. C’est vrai, les piercings et les tatouages, on voit des reportages dessus, même sur TF1, c’est dire que c’est populaire. D’habitude, les gens ont peur de me parler. Je ne sais pas pourquoi, je fais un peu peur aux gens, c’est comme ça. Oui-oui, on me le dit souvent. Enfin moins qu’avant. Depuis le temps, je me suis calmé, assagi. Un look un peu trop hard. Je ne sais pas, je suis comme ça, je suis bien comme ça, c’est tout. C’est original, et le monde, je trouve vraiment qu’il manque d’originalité parfois. Et de couleurs aussi. Le réel dehors est vraiment trop sérieux. Bon d’accord, mon look est surprenant, dur, j’ai les cheveux un peu court, rasés à blanc même, j’ai un gros septum nasal et des tatouages, plein partout sur les bras. Je suis aussi très-très grand. Sans parler des fringues, oulala !, avec plein de couleurs partout et tout et tout. Quoi que dans le quartier, la plupart du temps, je sois en jogging, très sportwear en fait, massage oblige. Puis, il paraît que j’ai une tête un peu bizarre. Moi je ne m’en aperçois plus, vous imaginez depuis le temps : je vais tout de même avoir 34 ans, hein. On a le temps de s’y faire à 34 ans, se faire à tout même. Donc voilà, les petites vieilles, au lieu de croire que je vais voler leur sac, les agresser, voir même les violer, oulala !, et bien elles me demandent de chercher leurs biscottes sur des étagères si hautes. Je ne sais pas pourquoi, je suis content de leur parler comme ça aux petites vieilles. Oui, les vieux… Mes grands-parents, je ne les ai pas connus beaucoup. Du côté de maman, n’en parlons pas. Son père est mort alors qu’elle avait dix ans (c’est pour ça, je pense, qu’elle a un rapport aux hommes assez curieux et qu’elle a tant investi sur moi, je suis un peu l’image de son père, elle est totale incestueuse). Et sa mère, elle vivait en Nouvelle-Calédonie. Je ne l’ai jamais vu. De l’autre côté, du côté de papa, sa maman est morte j’avais cinq ou six ans. On vivait à la Guadeloupe et à l’île de la Réunion, alors, le grand-père Pierre, je ne le voyais pas souvent. Mais je l’aimais bien Pierre. Un sacré tempérament. Je lui ressemble beaucoup d’ailleurs. Il est mort, j’avais quatorze ans. Les rares oncles et tantes, inconnus. Ma sœur, ce n’est pas mieux, elle a dix ans de plus que moi. S’est marié avec un Bolivien, a vécu à Caracas. On ne l’a pas revue pendant presque 20 ans. Maintenant, elle habite en Nouvelle-Calédonie. La famille, je ne sais pas trop ce que ça veut dire. -Voilà madame votre paquet de biscottes dis-je. Sans sel, précisais-je avec un grand sourire un peu niais (pour ne pas lui faire peur). Dans le quartier, elles s’inquiètent de ma santé, me demandent des nouvelles de ma petite voisine, Bénédicte, avec qui je suis tout le temps d’habitude. Il y en a une petite vieille, elle m’énerve presque, parce qu’elle trouve que je ne grossis pas : Ca m’énerve qu’elle s’inquiète comme ça de mon alimentation. Ca me rappelle ma mère. Dans le XIIème arrondissement, c’est bien, je me sens anonyme, ça me change du Marais et de son foisonnement perpétuel : emporté par la foule qui m’entraîne … Copyright Erik Rémès, tous droits réservés, Édition Blanche Le lendemain, j’ai fait du minitel. Mon pseudo : “Bomasseur viril tbm”; mon cv : “bomek viril tbf tbm, 1m90, 82kg, 29 ans 22 cm épais, sensuel, propose massage relax et sexe soft ou hard à H, F ou CPL”. Je mens un peu sur l’âge, j’ai 33 ans maintenant, mais bon, je fais plus jeune que ça, il paraît. Et mon look est jeune. Quand je vois tous ces gens normaux, sans idées de travers qui vont par ici et puis par-là, et patati et patata, ces gens qui, à 35 ans, en font déjà 50, oui-oui, oulala !, je préfère être moi, même pute. Les premiers contacts minitel sont positifs, enfin, dans l’ensemble. D’autres mecs, par contre, me traitent de « sale pute », me demandent de dégager. Pourquoi ? Je commence peu à peu à découvrir la violence que peut engendrer la prostitution, ce lieu de passions sourdes, pulsionnelles, viscérales. Le sexe se marie mal à l’argent. Je découvre tout cela, ça n’est pas facile. Il me faudra m’y habituer. Je ne réalise pas encore le temps que je mettrais à m’y habituer. Je ne réalise pas tout, loin s’en faut. On ne comprend jamais vraiment grand chose, à priori, dans sa vie. On se laisse faire par elle, brindille d’être emporté par le vent, aha. En plus, avec la vie que je me choisis, cette vie là : « pute ». Mais est-ce vraiment un choix ? Je ne sais pas, un choix libre mais subi, la main forcée par la vie. Mais un choix tout de même. Ma vie. C’est assumé je crois. Enfin quoi que… Copyright Erik Rémès, tous droits réservés, Édition Blanche Les massages Le samedi après-midi, Joseph, le masseur du désert de Gobi propose une séance de formation collective au massage californien. C’est le massage que je pratique déjà un peu (j’avais suivi des cours dans les années 90). Détente corporelle, évacuation des tensions, relaxation mentale, bien-être. C’est exactement ce qu’il me faut pour les gens que je reçois à la maison monde. On se retrouve à une quinzaine de personnes dans le grand dortoir improvisé pour l’occasion en salle de cours. Il fait bon, les fenêtres sont ouvertes, on entend les petits n’oiseaux chanter, dehors : piou-piou, piou-piou, piou-piou et encore piou-piou, piou-piou, piou-piou. Joseph nous dit bonjour, s’assoit en tailleur et nous invite à en faire de même. -On utilise une huile végétale qui permet des mouvements plus appuyés sans irriter la peau. Généralement de l’huile d’amande douce ou de pépin de raisin. Je vous conseille de vous mettre en slip et soutien gorge. Nu, c’est encore mieux.Nous voilà donc à nous déshabiller en pouffant comme des gosses à la maternelle. -Le massage a de nombreux effets positifs : sur la structure et la posture du corps. Il soulage le mal de dos. Rend vos muscles plus souples et plus élastiques. Il aide au relâchement de vos tensions. Sur le fonctionnement de tout l’organisme, il apaise et calme, soulage la douleur. Il améliore votre sommeil, augmente la capacité respiratoire, la digestion et réduit la constipation. Il améliore aussi la circulation sanguine et lymphatique, ce qui entraîne une meilleure oxygénation et une meilleure élimination des toxines. Aux plans sensoriel et psychomoteur, ils augmentent la conscience du corps, éveillent votre sens du toucher et aiguisent les perceptions. Ils favorisent une plus grande circulation des énergies. Et surtout, ils accroissent la conscience de vos émotions, augmentent votre estime et votre valorisation personnelle. Ils contribuent à l'ouverture d'esprit et à la résistance au stress.Qu’est-ce qu’il est doctoral le Joseph-Marie… Quel programme pensais-je… Il me faudrait bien vingt ans pour parvenir à tout cela. La séance commence, nous sommes tous par deux. Joseph-Marie donne l’exemple sur le grand Raphaël. Nous reproduisons ses gestes. Je m’occupe de mon Alèth qui en est fort aise. Elle ronronne, gémit et, parfois, glousse. -Le massage californien se caractérise par de longs mouvements fluides et harmonieux qui sculptent et enveloppent le corps, exécutés en rythme variable et teintés d'écoute et de douceur. Des gestes vigoureux, procurent une détente musculaire accrue, tandis que des bercements et des étirements invitent à l'abandon et permettent de retrouver une richesse sensorielle inscrite dans le corps. L'utilisation de l'huile favorise l'art du toucher et contribue à la fluidité du massage. Le massage évoque le contact enveloppant d'une mère avec son enfant. Pour la personne qui le reçoit, c'est un toucher d'amour et de reconnaissance qui parle autant à son corps physique qu'à ses corps énergétique, émotionnel, mental et spirituel. Copyright Erik Rémès, tous droits réservés, Édition BlancheLes clients Souvent, les rapports aux clients, ça me bouffe, ça me suce la moelle. Ils en veulent pour leur argent et avec le temps, ils me rongent du dedans, m’extraient, violent, vident, exsanguent. Je n’en peux plus parfois. Mon protocole commence à être au point maintenant : bonjour, au revoir, le divan, massage, pipe, branle, sodo et hop, aux suivants. Comme un psy en fait. Leurs demandes sont insistantes, pénétrantes. Je n’aime pas trop que mes clients me donnent des ordres ou me conseillent avec insistance pour faire telle ou telle chose. Ca m’énerve : Et quoi encore. Généralement, les mecs acceptent mes consignes, ils reviennent ou pas. Je choisis ma clientèle. Je ne suis pas à 100 Euros près, ni à un connard près. Si j’ai choisi ce job, c’est pour tenter de me défaire d’une vie par trop inhumaine. Alors, il y a certaines règles auxquelles je tiens particulièrement. Le respect surtout. Ce n’est pas parce que je suis une sale pute qu’on ne va pas me respecter. Et quand je vois l’irrespect de certains clients, je comprends la légendaire agressivité de certaines prostituées. C’est un boulot qui vous dépèce, vous laisse nu. L’agressivité, comme souvent, n’est qu’une défense. Pour une fois, ils n’ont pas à prendre les choses en main. Qu’ils ne soient pas, comme avec leur femme, obligés de briller au lit, d’aller du devant, de rester maître de la situation. Avec moi c’est l’inverse. Ce sont mes bébés, je les pomponne, les bichonne, m’occupe de tout. Ça leur fait un bien fou. Tout est question de cadre, de protocole, de limites. La séance commence, je masse et après je baise et au revoir. Voilà, rien ne doit dépasser du cadre, sortir des limites. Après, ça peut devenir dangereux, me mettre en porte à faux. Ma vie est basée sur le corps. Je suis un corps, j’ai un corps donc j’existe. Je bande donc je suis, comme toujours. Philosophie du phallus. J’ai grandi, je deviens un homme maintenant, mais toujours un enfant, toujours adolescent, toujours perdu, toujours gagnant, faisant ma vie, me créant, au jour le jour, explorant des chemins de traverse, des chemins déviants. M’extraire de ma contingence gluante, de ce réel qui colle. Déjeuner sur l’herbe avec Joseph. Je revois la grenouille régulièrement. Ces yeux me paraissent maintenant beaucoup moins globuleux. On se fait à tout dans la vie. Oui ! On parle, il me masse, m’apprend les techniques. Joseph est mon maître spirituel. C’est fou ce que ça me rend spirituel d’être pute, aha ! Je le masse. Et dès fois, parfois, pas toujours, cela dépend, on s’encule : BerlinTintin et la grenouille du désert de Gobi, quel couple ! On s’encule, mais en toute amitié ! Comme une suite au massage : après le corps et la tête, on se détend la queue et le cul, warf-warf. Et hop ! Ca fait un bien fou ces séances. Maintenant, on commence à connaître nos corps parfaitement, on connaît exactement les points sensibles, nous nous sommes parfaitement cartographiés. J’ai donné rendez-vous à Joseph-Marie au Lac Daumesnil, c’est la « campagne à Paris », comme disent les petites vieilles de mon quartier (celles à qui je prends les biscottes sur les étagères un peu trop hautes). Je lui ai proposé cet endroit tout de suite, c’est tout près de chez moi, derrière chez moi, oui-oui, et juste à quelques stations de métro de chez lui, et hop. J’adore donner mes rendez-vous là-bas. Moi, le métro, j’évite, je n’aime pas, la gueule des gens le matin et patati et patata, sans parler, comme dirait Chirac, notre président de la République, warf-warf, des bruits et des odeurs. Je prends toujours les bus, c’est un peu plus long que le métro, un tout petit peu plus c’est tout, mais avec la petite terrasse ouverte à l’arrière, que l’on ne trouve pas dans tous les bus d’ailleurs, c’est vrai, on se croirait en calèche. -Porte Doré chauffeur s’il vous plait. Et que ça saute, waoouuuh ! Les étalons trottinent déjà, prennent de la vitesse, j’entends les coups de cravache strier leur robe de diamant : « plaf ! », « plaf ! » et encore « plaf ! », « plaf », fait la cravache tout emportée. Je trouve ça très excitant en fait, ce « plaf ! », « plaf ! » de la cravache toute convulsée. Je me prends à rêver d’être moi-même un fier destroyer d’airain, dans les pleines mongoles, la crinière au vent. Je ne vois pas pourquoi j’utilise ce mot de « destroyer », pourquoi ça me vient à l’esprit, je sais bien que c’est un anglicisme qui signifie « contre-torpilleur », et que donc ça n’a rien avoir avec les chevaux (ça doit être le côté phallique alors…). Sur mon grand destrier phallique donc, avec mes cheveux qui s’envolent au vent. Non, ça ce n’est pas possible non plus, ça ne va pas le faire, je n’ai pas de cheveux, je suis toujours rasé à blanc grâce à ma tondeuse « pro » de chez Babyliss acheté 80 Euros (80 Euros tout de même, mais c’est une « pro ») au Becheveu avec la carte Cofigaga (vraiment cette carte quelle invention !). Toujours l’argent, le nerf de la guerre. Ma guerre. Notre guerre actuelle. Fuck the mondialisation. Je propose à Joseph-Marie de faire une ballade sur le Lac Daumesnil, en barque : Joseph, avec toutes les formations sur les énergies corporelles qu’il a faites, tous ces trucs de magnétisme, de sophro par-ci et de spiritisme par-là, des fois il touche plus terre ! Il me fait rire. Tandis que nous ramons gaiement comme deux nymphes de Monet, je demande à Joseph de m’expliquer plusieurs choses que je n’avais pas bien compris à notre première rencontre, de me donner des détails. -Joseph, je préfère t’appeler Joseph, parce que Joseph-Marie, ça fait un peu ballade sur le Gange, non ? En plus, avec le look que tu as, je trouve que ça insiste un peu trop. Alors, j’ai besoin de me souiller pour me laver, besoin de rien pour me défaire de ce putain de grand tout étouffant. Besoin de vide pour me défaire de moi-même. Pousser mes limites, toujours plus loin, encore plus loin. Me perdre, encore, toujours, pour peut-être un jour me trouver. Oui, se perdre pour se trouver un jour. Peut-être. Mais essayer toujours, pour vivre, survivre, me survivre, survivre à ma folie. Quelle drôle de personne je suis ? Quel drôle de personnage je me suis créé. Ne sachant plus ce qui à l’origine était moi après tous ces chemins de traverses empruntés. Etre soi-même chemin de traverse, déviance. Etre déviant. Je vais retourner ce soir au bordel, celui où je suis allé avec ma Julie et Patrick. Le patron est venu une fois chez moi se faire masser avec sa femme. Il m’a invité dans sa boite, il m’aime bien. Sa femme, c’est une sacrée salope. Dans son bordel, je deviendrais moi-même la larve que j’avais frappée avec la petit Julie. Julie et Patrick, c’était bien avec eux, ils étaient gentils avec moi. J’ai tellement besoin que les gens soient gentils avec moi. J’ai tellement besoin d’amour. C’est ainsi, comme cela. Rail de coke pour me confirmer, infirmer, renfermer puis m’ouvrir. Autre, je m’altère, me perds déjà, ne suis plus moi, c’est déjà ça, un peu de soulagement, un peu de distance à soi. Je n’ai envie de parler à personne, juste être un sexe, un trou béant, un vit, pénétrant, pénétré. J’arrive, me prend une vodka-to pour la route infernale, et commence, commence, commence à divaguer, errer, errant, moi, autre. Spécial K dans la back-room du lupanar, je me consume. Je sors mes 22 centimètres, appât. Je tire et pêche, ça s’accroche déjà, femmes, hommes sont autour de moi. Je suis pansexuel ce soir, hétéro, homo, bi, actif, passif, dominant, dominé. Tout quoi. Il fait sombre, noir, magma de corps indistincts, indifférenciés, corps et âmes mêlés, hommes et femmes pénétrés. Je me baisse, et commence à sucer : des seins, des queues, des cons. La bouche remplie de fluides, exsudant de sécrétions vaginales. J’avale, je bois, je mange, je prends, j’encaisse. J’ai envie ce soir d’être un trou, un vulgaire trou à remplir, à baiser fister, foutrer. Ca me prend, ça me baise, ça me tue. Je rentre chez moi, je n’ai même pas joui. Je n’avais pas envie de jouir. Je ne jouis pas souvent avec les autres, moi. Seulement avec Jean-Paul. Je n’ai plus envie de jouir en ce moment, je ne sais pas pourquoi. Je retiens mon sperme, je retiens ma vie. La vie, ça ne se donne pas. La vie, ça ne s’achète pas. Copyright Erik Rémès, tous droits réservés, Édition BlancheIl faut que je vous raconte un truc. Hier, je me suis fait un plan minitel, un mec bien, vraiment pas mal, bien foutu, bien monté, enfin tout pour plaire quoi. Mais alors, quel mauvais coup, terrible ! Le mec, il n’arrêtait pas de se regarder dans les glaces autour du lit, de s’admirer. N’importe quoi. En fait, le mec ne savait pas se donner. Il faisait l’amour pour lui-même, avec lui-même, je n’existais pas, on ne se rencontrait pas. Il faisait l’amour pour se prouver qu’il vivait. L’autre n’avait aucun intérêt. Aucune tendresse, aucun don de soi. Cela me fait penser que, parfois, Jean-Paul agi de la sorte. Sans rien donner. Comme si je faisais l’amour à un étranger. Comme si je faisais l’amour avec l’autre personne dans sa tête. Jean-Paul non plus ne sait pas encore bien se donner. Heureusement, il change peu à peu, évolue, grandi, devient plus clair vis-à-vis de son homosexualité, de ses désirs. Parfois, il est tant en rétention que j’ai l’impression de baiser un client. C’est curieux comme impression. Je lui donne beaucoup, m’occupe de lui, le masse, le chouchoute. Jean-Paul, parfois, me donne peu. Mais je l’aime, c’est ainsi, comme cela. Pourquoi ai-je besoin d’aimer ce type là ? Pour souffrir ? Pourquoi ne puis-je pas le quitter alors qu’il est tant sources d’angoisses et de crises ? Avec le mec, on a quand même fait l’amour, je me suis occupé de lui. J’ai l’habitude de m’occuper des autres et qu’on ne s’occupe pas de moi. Je suis le maître des amours. Pas une caresse de sa part, pas un mot tendre, uniquement de la rétention. J’ai accéléré le processus, je l’ai vite fait jouir. Après, il s’est rétracté, encore plus enfermé, puis il a fumé une cigarette. Moi j’aurais préféré qu’il parte comme il était venu, c’est-à-dire sans rien donner, sans laisser de trace, sans exister. Beaucoup d’hommes, lorsqu’ils ont joui, redeviennent des monstres. Ce mec était déjà un autiste du cul avant de jouir. Après, il n’existait même plus, son image s’effaçait à mesure que son sperme devenait transparent. Et c’est là qu’il a commencé à caresser ma petite chatte Milou, calmement, avec affection, longuement. Cela m’a énervé : -On a baisé pendant une demie-heure, tu ne m’as pas touché, rien donné et maintenant, c’est ma chatte que tu caresses. Un conseil, deviens zoophile ou casse-toi sur le champ. Le mec est parti. Copyright Erik Rémès, tous droits réservés, Édition Blanche |
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