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1994: Année gay? Libération

 



De nombreuses apparitions médiatiques des homos dont une Gay Pride accueillant de plus en plus de monde; il semble que l'identité gay soit de plus en plus visible. La question de l'homosexualité serait-elle, à nouveau, capable de mobiliser des individus dans une démarche collective et revendicative? Peut-être, mais de là à dire que le mouvement homo français serait en train de (re) naître... Car la France et sa communauté gay semble hésiter entre une «politique des identités» à l'américaine, donc des minorités revendicatives, et une «citoyenneté» toute républicaine, de l'intégration indifférenciée. Par leur ampleur, ces événements ont une dimension culturelle, politique et sociale importante: cette possibilité prise pour les homos de créer leurs propres images est un pas certain dans l'affirmation de soi et dans la lutte contre l'homophobie. Toutes créations, étant constitutives d'identités individuelles comme collectives. Dans nos sociétés occidentales, à la culture essentiellement hétérosexuelle, cette visibilité permet aux homosexuels de prendre conscience de l'existence d'autres semblables. Du modèle parental jusqu'à la moindre médiatisation du couple, l'enfant puis l'adolescent ne se voit proposer qu'un seul modèle: l'hétérosexuel. Tout autre représentation étant négative, discréditée, répulsive. «Sale pédé», auquel il répond l'inconcevable «sale hétérosexuel». Assumer son désir homosexuel n'est donc pas facile pour un adolescent. Cela peut engendrer de nombreuses séquelles: autorépression, homophobie intériorisée. Le passage à l'acte homosexuel est lui aussi problématique s'il est vécu, ce qui est fréquent, de manière honteuse. On imagine facilement les répercutions de cette autocensure à l'heure du sida. Comment assumer une sexualité protégée par préservatif, lorsque l'on n'assume pas sa sexualité et son homo et bi-sexualité? Le sida a donc renforcé ce besoin de visibilité des minorités dans la lutte contre la maladie. Comme l'annonçait l'éditorial du programme du Festival du film gay et lesbien, «les luttes contre le sexisme, l'homophobie et contre toutes les formes de racismes et d'exclusions sont des questions centrales. En France, où l'on confond si facilement intégration et uniformisation, la culture dominante s'impose , en niant, les particularismes qui l'ont généré. Nous en faisons chaque jour l'expérience dans la lutte contre le sida, le silence et l'exclusion sont au moins aussi pénibles et peuvent être plus ravageurs que la maladie elle-même.» Après le cinéma, la télévision et tous les médias ne devraient-ils pas aussi modifier leur programmation et leur ligne éditorial pour l'adapter à cette maladie? Les médias et leurs images, quels qu'ils soient, sont tous responsables vis-à-vis du sida. Les médias n'ont-ils pas une mission pédagogique? Dira-t-on un jour qu'ils sont aussi coupables de ne pas avoir pris leurs responsabilités?

 

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