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Le 48 heures Chrono des chasseurs nyctalopes. Nova Mag avril 1996
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Vendredi soir, 22 heure. Devant nous, s'entassent 60 heures de liberté possibles. Je commence le week-end en slip avec Pierre, mon copain, au QG, un bar cuir du Marais. Tous les vendredis soir, y est organisé une soirée à thème pour les mecs : "Foire aux esclaves", "Golden shower" (pour les plans uro) ou "slibards et grosses pompes". Et ceux qui ne respectent pas le dress-code, peuvent toujours se mettre en slip. J'aime bien ces parties ou tout le monde est à moitié à poil, la convivialité des petites culottes. 23 heures. Le rendez-vous est donné au Cox avec la bande de copains, J.P., François, la Tibota et Malika des Maudites Femelles du Clan Master. Traîner, boire et faire la tournée des bars. Les potes et moi on galope en gloussant de bar en bar. Paris devient une grosse boule disco dont nous sommes les paillettes. Les rues à bars, discos et bastringues, les odeurs de bière et de pastis, qui font roter, péter et gonflent le ventre. Et on piapiate et on rigole. 1 heure. Alors, on continue à hystériser dans les bars avec les copains de rencontre. L'alcool aidant, on commence à ne plus toucher terre et les ailes poussent. On rigole comme des grosses loutres trisomiques. Pour aller encore plus haut, on décide de se prendre une ecstasy pour la nuit. Parce que la police a beau faire, on trouve vraiment tout ce qu'on veut à Paris : ecsta, acide, il n'y a qu'à demander. On se fout de la gueule des uns et des autres. Et je tire la langue et je montre mon cul toutes les cinq minutes à qui veut l'entendre. Avant d'aller guincher, on se tape un Kebab dans les Halles. Sans oignons pour la laine, sans merguez pour pas roter. Ben juste avec des frites, quoi! A la fermeture des bars, direction le Palace pour la "Hard gay night" de Yamina. L'alcool et l'ecstasy irriguent nos canaux, et battent la chamade. Le temps s'étire, me slurpe, me carambole et me branle. Je deviens Abbaye de s'offre à tous et je parle, beaucoup, peut être trop, sans m'en apercevoir. Avec la nuit qui se consume, les gens disjonctent et deviennent libres et fous. Sur la piste à chalouper, les gens se draguent, se touchent, se roulent des pelles et se sourient comme des enfants (parce que nous sommes tous alors des enfants). D'autres, indécrottables, font toujours la gueule du soir au matin. La Techno coule à flot rapide dans le sang et l'X scande. On oublie aussi nos peines et nos morts du sida. Alcool et Carte Bleue. Au fumoir du Palace, c'est remplie des gens de la nuit et de faschions victimes façon caissières chez Mammouth. Pas mal de personnes se connaissent et se saluent, tribus de la nuit, d'autres, errent, un peu seuls, comme des âmes qui quètent. Le but du jeu pour beaucoup, en fait, c'est d'être le plus ivre mort et défoncé tout en tenant debout. Il faut parler, regober, danser, boire, fumer et rencontrer le plus de gens et de corps pour ne rien perdre de l'instant. Ne chercher que le plaisir de la chair. Toutes les nuits, en fait, n'en forment alors qu'une sans fin. Devant trois Drag Queens total look "Ca se discute", on éclate tous de rire : "mais comment, ça existe encore des Drag Queens, c'esdt tellement has been?" Ivre morte, la Tibota se casse la gueule dans les escaliers du fumoir et manque de se faire virer. Alors moi, pour faire bonne figure, je montre mon cul au videur et du coup, on se fait vraiment tous virer. "Il est 5 heure Paris s'éveille" et nous, on s'est pas couchés. Au petit matin, direction le Queen qui est encore plein. On fait coucou à Sandrine la physio et, waouu, la piste est à nous. On retrouve d'autres copains noctambules et on s'embrasse avec la langue. Un, deux, trois, soleil!. Pilier de bar, un TGV à la main, je m'enfonce, m'emplâtre et me casse, dans les sables émouvants de ma conscience altérée. Pierre saute les plombs et commence à se rouler par terre, un vrai singe. Samedi matin, 8 heures. A la sortie du Queen, on se retrouve à une dizaine sur les Champs, nos yeux sont rouges et clignotent comme des passages piétons. Déjà une longue nuit d'ivresse et les piapias des petits oiseaux du matin ne viennent même pas interrompre notre fête. "Bon ben qu'est-ce qu'on fait?" Décidément, on a vraiment pas envie de s'arrêter en si beau chemin. Alors la bourlingue continue jusqu'au plus soif. Sur quel after allons nous nous échouer? Le Charlie's Bar, le Dépanneur ou le Néo? Finalement, direction le Monster's, face à Beaubourg. On saute vite dans un taxi pour se cacher parce qu'avec le petit matin et la lumière glauque, on est plus très fraîches et glamours. Au Monster's, clientèle mixte, hétéro, gay et autres chasseurs nyctalopes. Un décor de cafétéria Casino sans les frites. On maintient la vie et l'ecstase à tout prix. Ne pas dormir, ne jamais arrêter la vadrouille. De toute façon, les copains et moi, on ne sait même plus quel heure il est, ni quel jour, ni quel mois et puis on s'en fout. Qu'on soient au Queen, aux Follie's Pigalle ou ailleurs c'est pareil, l'important c'est qu'on reste en troupeaux, qu'on boive un verre avec des gens autour. On a pas envie de s'arrêter comme pris dans une bourrasque, une course de folles contre je ne sais quel montre. Tout le monde parle à tout le monde. Etre de simples objets de rencontre et de désirs. Dans les salles enfumées du Monster's, on se cherche, on drague, on parade et on danse. Happy House, Saoul, les bras au ciel. 9, 10, 11 heure du matin ("mais on va rater la messe, merde?"). Midi sonne. Samedi, 13 heure, Paris est réveillé depuis belle lurette et nous, on s'est toujours pas couchés. A la sortie du Monsters, face au parvis de Beaubourg on regarde les touristes et les badauds. Les gens font leur marché et nous, on est complètement explosés. On éclate tous de rire et on se dit que décidément, oui, on appartient à un autre monde, pas le leur. Et tant mieux. Dehors, c'est un autre jour et pourtant, pour nous c'est encore la même nuit. Nos visages ne sont même plus blafards mais transparent avec une pointe fluo ("non, non, je ne suis pas folle, je suis une luciole"). "Bon ben qu'est-ce qu'on fait? On va se coucher ou on continue?" On décide d'aller chez J.P. et François, pour un Chill-Out impromptu. On est une petite quinzaine à s'y retrouver. Dans l'appartement, le temps se détend, file et se calme. Il prend du recul, nous laisse en paix. Voilà déjà quinze heure de fête non-stop et le week-end vient à peine de commencer. Café, coca, jus d'orange et alcool, toujours. Bjork et la lumière de la rue apaisent les esprits. Les corps dansent encore, mais plus calmement. Quelques uns se reposent, d'autres font la sieste et un couple fait l'amour dans la chambre, (on entend des petits cris et des gloussements). C'est toujours le temps de l'amour et des copains. On s'embrasse, on s'aime, c'est le retour des années LSD, les années X. Et à nouveau, une petite moitié d'X. Samedi, 20 heure. Pas de lendemain, une nuit sans fin. Une fois lavés, épluchés et rincés, on se décide à affronter à nouveau le réel. Dehors, la nuit est encore tombée et s'est cassée. Alors, on la recolle et la scotche comme on peut. Nous aussi, on tient debout comme par magie, n'ayant plus d'humains que le souvenir tiède. Et à nouveau, bars, boites et bastringues, alcool et narcotiques. La nuit, sans fin ni fond. On retrouve des copains, on s'en fait de nouveaux. La Techno rentre à nouveau dans nos corps, pénètre les canaux et submerge nos veines, (un Mars et ça repart). Des visages croisés, des corps éprouvés et des émotions partagées, il restera dimanche soir un souvenir vague comme balayé par une marée de pleine lune. "Et ce soir, qu'est-ce qu'on fait? Ben on sort pourquoi? Quelle question idiote".
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