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PRATIQUES DE MODIFICATIONS DU CORPS BODY PLAY 1

 



PRATIQUES DE MODIFICATIONS DU CORPS, BODY PLAY Copyright Sexe guide, Erik Rémès, Blanche 2004

De nombreux contresens circulent sur les jeux de modifications du corps comme le piercing, les scarifications ou le branding. Pour les personnes extérieures à ces jeux, ces pratiques apparaissent comme dégradantes, douloureuses, et inesthétiques.

Le marquage du corps repose sur de très nombreuses motivations. On peut noter les aspects sociaux, esthétiques mais aussi les raisons personnelles, érotiques et sexuelles. Mais également initiatiques, qui donnent à l'individu un nouvel état de maturité. C'est un signe particulier qui identifie et indique le passage à un nouvel état, l'accès à une nouvelle identité. La marque apparaît aussi souvent comme protectrice. La peau qui est déjà la protection naturelle du corps contre l'extérieur se double, par le marquage d'une protection culturelle. Tout comme l'animal qui balise son territoire, l'homme délimite son propre terrain, sa peau.

Dans de nombreuses tribus primitives, les rites de modifications du corps servaient à tester la capacité d'endurance à la douleur. Une scarification, par exemple, ne prenait tout son sens et sa beauté que par la souffrance qu'elle représentait. Paul Bohanan, dans Marks and scarifications among the Tiv (Los Angeles, 1988) explique : un jour, j'ai demandé à un groupe de Tiv si la scarification n'était pas trop douloureuse. Ils me regardèrent, à juste titre, comme si je n'avais rien compris. "Bien sûr" déclara l'un d'entre eux, "bien sûr que c'est douloureux ! Quelle fille regarderait un homme dont les cicatrices ne lui auraient causé aucune douleur ?". Les scarifications, l'une des plus belles décorations, se payent de la souffrance.

Sur le plan historique, le marquage au fer rouge était signe d'infamie. Brenda B. Love, dans le Dictionnaire des fantasmes et perversions, explique que de la fleur de lys sur l'épaule de Milady de Winter au « F » des forçats, le marquage est le signe d'infamie par excellence. C'est d'abord un supplice. Toutefois la douleur infligée par voie de justice n'est qu'une partie du châtiment. La marque montre l'indignité, et sert de signe à cette douleur. Enfin, la marque elle-même, non plus en tant que trace intime et personnelle, mais comme avertissement pour les autres, achève la peine en plaçant l'individu coupable en dehors du monde « normal ». Ces châtiments existaient dans de nombreuses sociétés : les Égyptiens, les Grecs, les Romains de l'Antiquité et, beaucoup plus près de nous, les Français, les Anglais et les Américains du xixe siècle.

Depuis les années 1990, on note une véritable escalade dans le désir de marginalisation du corps par le tatouage et la marque. Alors que piercings et tatouages sont devenues choses communes, à la mode voir passé de mode, le mouvement américain de scarifications et de branding tend à apparaître en Europe. Le livre Mondosexe, donne plusieurs exemples de l'extrémisme en vogue sur la Côte Ouest des États-Unis. Ainsi, Ron Athey, un des leaders des modernes primitifs de Los Angeles qui, lors de performances publiques, découpe le dos de ses partenaires, les brûle à l'aide de plaques de métal chauffées à blanc, et se plante lui même une couronne d'aiguilles dans le front, explique le credo de sa tribu : la douleur vécue comme un martyre expiatoire. Ron se veut avant tout un marginal : «a dictature d'Hollywood tient en un mot, WASP. Tout ce qui est noir, vieux ou différent est exclu, écrasé, par le racisme, la dope ou le sida. J'ai honte d'être blanc. Tatoué, marqué, j'emmerde les yuppies et les surfers. Le body playing est un défi à la dictature de la beauté. Big Brother nous regarde, le sida nous tue : nous sommes pieds et poings liés. Nous revendiquons le Body-Playing comme une des seuls choses dont nous soyons responsables. Le sang, c'est notre tribut au sida. La souffrance devient alors une expérience personnelle unique. Le tatouage devient symbole magique, comme une vaccination mystique. Autre forte personnalité du livre Mondosexe, Pig Pen : une fille qui ressemble à un garçon, tatouée de soixante têtes de mort qui représentent chacune un ami disparu. Pour les radicaux comme Pig Pen, le Body-Playing est une manière de reprendre du pouvoir sur la nature qui massacre ses proches : celui qui expérimente le Body-Playing atteint un autre niveau de conscience. Entre nous, c'est comme une connivence d'initiés. Le Body-Playing nous a permis d'afficher la distance avec les normaux.

 

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