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PRATIQUES DE MODIFICATIONS DU CORPS BODY PLAY 2

 



Face aux diverses crises de la représentation de soi, le corps se pare de nouveaux ornements : tatouages, piercings et autres marques de la peau comme le branding (marque au fer chaud) et les scarifications (cicatrisation). Devant l'impuissance à changer le monde, l'individu change son propre corps annonce l'américain Fakir Musaphar, l'un des précurseurs du Body-Playing : Dans notre époque post-moderne, dans laquelle tous les arts du passé ont été assimilés, consommés et dupliqués, le dernier territoire des créateurs reste le corps humain.

C'est la communauté gay, SM et les hétérotechnos qui ont popularisé ce phénomène de modification du corps. Avec l'émergence du sida et cette présence de la mort en creux, ces marques prennent une dimension d'autant plus profonde et dense que le corps apparaît comme putrescible. Toutes les marques du corps relèvent de nombreux champs. Champs du religieux et de la spiritualité ; du statut et de l'identité sociale ; de l'ornement mais aussi, bien sûr, de la souffrance, du plaisir sexuel et de la jouissance. Mais ces signes distinctifs sont aussi poétiques et métaphysiques. Beaucoup de marqué(e)s élèvent le corps au rang de médium artistique voire d'œuvre d'art. Mais ces signes provoquent aussi une mise à distance et un refus de la norme. Fakir Musafar donne plusieurs signification aux marques : le signe de l'esclave, le titre de propriété d'un objet, la marque d'un intrus ou d'un persona non grata ; marque impliquant le passage d'une tranche de vie à une autre, la marque d'un courage individuel ou d'un rang, d'une caste. Ou encore, le signe d'une expression artistique ; une création poétique qui est toujours plus que ce quelle montre. Mais aussi la souffrance comme expérience personnelle ; nouvel érotisme.

La marque embrasse alors l'identité commune de la douleur et du plaisir, de la raison et du délire. Quand on parle des ces signes, on ne peut occulter les références ethnologiques et les coutumes tribales et primitives : des aborigènes australiens, des tribus du Pacifique, d'Afrique ou des Indiens américains, etc. Références paradoxales puisque plus les marques apparaissent dans nos sociétés occidentales, plus ces cultures primitives tendent à disparaître. La marque, par son caractère universel, s'inscrit dans la peau des humains, unissant d'un même lien civilisations modernes et cultures primitives. C'est pour cela que l'on parle de « modernes primitifs ». Fakir Musafar explique : à l'époque des ordinateurs, de la télévision et de la conquête spatiale, il semble paradoxal que de telles pratiques barbares soient le centre d'intérêt et de signification de quelques uns.

Notre époque de représentation redonne au corps toute sa place. Longtemps ignoré, voir méprisé dans une perspective d'opposition à l'esprit, le corps recouvre aujourd'hui sa suprématie. Au « je pense donc je suis » caractérisant la prétention de l'humain à tout maîtriser, s'oppose le « j'ai un corps donc je suis ». Car si l'homme est un « animal qui pense », il n'en reste pas moins un animal, proche de la bestialité. Il désire se libérer de son « humanité », d'où l'intérêt constant pour tout ce qui touche à son apparence. Le corps redevient médium d'expression et relationnel. Notre époque redonne au corps toute sa place, et en apparence sans fausse honte. Alors que pendant longtemps, il a été ignoré volontairement, parfois méprisé, dans une perspective dualiste qui l'opposait à l'esprit. Nous assistons aujourd'hui à son émancipation, sa libération. D'où cette recrudescence d'intérêt pour tout ce qui touche le corps considérée notamment comme mode d'expression de l'homme et comme système de relation. Dans cette hypothèse, les signes corporels traduiraient un nouveau mécanisme d'expression de l'identité des individus passant par la verbalisation et la symbolisation du signe. Beaucoup de tatoué(e)s invoquent le désir de valoriser leur corps d'une manière belle et décorative. De nos jours, alors que tant de choses nous échappent, le tatouage devient la revendication du droit et du pouvoir de modifier son corps, donc de le maîtriser. Et par là, la possibilité d'exprimer sa personnalité par ce médium.

 

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