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Les mots pour parler de sexe
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LES MOTS POUR PARLER DE SEXE Parler de la sexualité et du sexe est une tache difficile. La sexualité n’est pas une activité parmi d’autres. L’homosexualité encore moins. Le sexe est encore trop souvent innommable. Pourtant, la sexualité devrait être un terrain de recherche ordinaire. La sexualité est un art et une science : objet d’expériences ou d’expérimentation. Objet de discours. Plus que dans tout autre domaine, la terminologie de la sexualité reflète les structures morales qui la sous-tend. Nous subissons une culture de répression sexuelle. Celle-ci est composée par les conduites, attitudes, lois ou règlements ayant pour effet de réduire, de freiner ou d'empêcher l'expression de notre sexualité. La loi du silence règne sur le sexe. Nous devrions pourtant tous verbaliser nos envies, plaisirs et jouissance. On parle rarement de ses orgasmes. Pourtant, les décrire en détail est un exercice très instructif sur la manière dont on vit et perçoit sa sexualité. Timidité, fausse pudeur, dégoût, inhibition empêche hélas trop souvent la communication sexuelle et amoureuse. Quelques définitions. La sexualité est un phénomène complexe conjuguant les aspects biologique, psychologique, érotique, moral et culturel qui font que chacun se perçoit, agit et vit comme homme ou femme. Ce processus englobe l'identité sexuelle ainsi que les activités sexuelles et érotiques. C’est un potentiel humain à développer, présent de la naissance à la mort. Les mots "homosexuel" et "hétérosexuel" n'existent que depuis la fin du XIXè siècle. Le mot homosexualité a été créée par les hommes de lettres hongrois germanophone Karoly Maria Benkert et Kertbeny. Ils l'avait utilisé en allemand dans leur correspondance privée avec Karl Heinrich Ulrichs . Le terme homosexuel n'a commencé à être diffusé publiquement qu'à partir de 1869. Selon certains auteurs actuels, Kertbeny opposait au terme Homosexual celui de Normalsexual, de la même manière qu’à la notion de Homosexualismus, répond celle de Normalsexualismus. Ces deux notions ont été vraiment popularisées par leur utilisation dans la deuxième édition du livre « Entdeckung der Seele » (La Découverte de l'Ame) de Gustav Jaeger, Professeur de zoologie et d'anthropologie à l'Université de Stuttgart. D'ailleurs, c'est justement ce dernier qui, lors de cette même réédition (1880) a introduit le vocable Heterosexualität pour ce référer aux rapports sexuels avec membres du sexe opposé. Homo et bisexualité se construisent dans un rapport réflexif. Pour Catherine Deschamps dans « Q comme Queer » : « La dénomination hétéro-homo est en elle-même une production homophobe, de même que l’opposition homme-femme serait une production sexiste. Ainsi le terme marqué, le terme visible, l’homosexualité ne sert qu’à délimiter et à définir le terme invisible et non marqué l’hétérosexualité. L’hétérosexualité se définit sans se problématiser et accède à un niveau de privilège précisément en étant invisible, cela parce qu’elle problématise en retour et rend visible l’homosexualité. Le privilège de la normalité fait aussi que l’hétérosexualité n’est pas un objet de connaissance. Par contre, l’objet de connaissance, c’est l’homosexualité ». C’est à cette connaissance que ce guide tente de s’attaquer. Hétérosexisme. L’hétérosexisme est une discrimination positive à l'endroit des personnes hétérosexuelles. Il renvoie à la hiérarchisation des groupes sociaux et à la domination des hétéros exercée sur les homos. Sur le fait que les hétéros se prétendent supérieurs aux homo. L'homophobie viendrait sceller la cohésion entre dominants. L’hétérocratie est le système hierarchique de pouvoir engendré par l’hétérosexisme. Les manuels sur la sexualité ont, pour la plupart, un fondement hétérosexiste. Toutes déviances à la norme hétérosexuelle étant qualifiée de perversions. La visée de ces ouvrages est la plupart du temps médicale, pathologique, religieuse ou psychanalytique. Ce guide cherche à se défaire de ces visions souvent réductrices et moralistes. La norme ? « L'anormal est ce qui est normal chez les anormaux ». L’origine étymologique du terme norme est latine. Il est directement calqué sur le mot norma, qui appartient au vocabulaire de la géométrie puisqu’il signifie équerre. Cependant, deux notions s’adjoignent rapidement à ce premier sens, les notions de règle et de loi, révélant ainsi l’association commune entre une volonté d’exactitude des formes - l’équerre et celle d’organisation raisonnée des comportements humains. Master et Johnson, dès 1987, l’exprimait déjà : « la plupart des gens s’imaginent pouvoir juger intuitivement ce qui est normal ou anormal en matière de sexualité. Cependant, c’est le problème le plus ardu de la sexologie actuelle que de définir ce qui est sexuellement normal et ce qui ne l’est pas ». Les définitions du mot « normal » dans les dictionnaires décrivent généralement une manière de se conformer à un modèle caractéristique courant. Ce qui est normal varie avec le temps et les cultures. Master et Johnson poursuivent, « la différence entre normal et anormal est quelque peu arbitraire, parce qu’elle implique des jugements de valeur. Il est donc important de remarquer que, souvent, il n’y a pas de frontière définie entre l’anormal et le normal. C’est étiqueter les gens que de les définir comme « normal » ou « anormal » pour les décrire ; il en est de même pour les expressions qui paraissent scientifiques ou « officielles » : « sain, bien dans sa peau, respectueux des lois », ou, au contraire, « malade, pathologique, déviant, fou ou criminel ». Ces étiquettes influencent l’image que nous avons des autres, ainsi que l’image que nous avons de nous-même ». Certains types de comportements sexuels, sont, comme par le passé, encore aujourd’hui appelés déviations, perversions ou aberrations. Ces étiquettes conduisent inéluctablement à la stigmatisation et sont appliquées de façon assez arbitraire, puisque basée sur la notion sous-jacente de norme culturelle. Pour se démarquer de cette vision moralisatrice et normative, nous utilisons dans ce guide, les termes « pratique » ou « jeu sexuel », ou encore paraphilie (dérivé des deux racines grecques qui signifient « à côté » et « amour »). Perversion. Le Larousse donne la définition suivante du mot perversion : « comportement consistant à rechercher de façon régulière le plaisir sexuel en dehors du rapport avec pénétration vaginale entre deux partenaires de sexe opposé (exhibitionnisme, fétichisme, etc.). » Mis à part l'antédiluvien coït donc, beaucoup de pratiques peuvent être taxé de perversions, terme connoté péjorativement s'il en est. Je préfère donc utiliser le terme de pratique érotique, paraphilie ou encore celui de conduite érogène, synonyme moins dévalorisant. Une paraphilie est une variations de l'activité sexuelle caractérisées par des pulsions, fantasmes et comportements sexuels marqués et persistants, impliquant des objets ou des situations inapproprié. (Syn : perversion, déviation, déviance). On remarque ici le terme inapproprié, hypocrite s’il en est, mis en lumière à la fin du siècle dernier dans le cadre d’une histoire de cigare et de Président des États-Unis. Nous effectuons enfin une autre distinction avec les pratiques tombant sous le coup de la loi (bien que celles-ci varient d'un Etat à l'autre) ou attentant à l'intégrité de la personne (pédophilie, inceste, viol, etc.). Pour Geneviève Paicheler , « l’ordre social définit la norme. Celle-ci désigne une façon de se comporter et de penser au sein du groupe de référence. Tout écart à la norme, toute déviation, appelle sanction par des processus de normalisation ». La déviation est donc un écart à une tendance statistique et la transgression, un comportement qui implique une dimension morale. Par l’intégration des normes, chacun, de nous s’efforce de devenir ce « sujet obéissant, cet individu assujetti à ses habitudes, à des règles, à des ordres, à une autorité qui s’exerce continûment autour de lui et sur lui, et qu’il doit laisser fonctionner automatiquement en lui ». Le contrôle social est transformé en contrôle de l’individu sur lui-même. La norme, au contraire de la loi, n’est pas écrite ni clairement formulée : elle est intégrée. Pour Geneviève Paicheler, « le respect de la norme ne donne pas non plus lieu à des récompenses particulières, si ce n’est celle de la tranquillité. C’est lorsqu’elle est enfreinte que la norme est rappelée, édictée et que l’opprobre se manifeste ». Il faudrait donc relativiser ce terme réducteur et castrateur de norme. On devrait s’interdire de juger de la normalité des autres. Il n’existe pas de valeurs absolues concernant la norme mais une constellation de valeurs relatives et intimes. Les sentiments contradictoires que nous pouvons éprouver à l’égard de nos organes sexuels sont reflétés par les mots que nous employons pour en parler : certains mots sont propres (pénis, vagin, clitoris). D’autres sont sales et impolis (caca, bite, con, cul, foutre, couilles, trou du cul, pine et j’en passe et des meilleures). J’ai donc choisi d’utiliser dans ce guide un vocabulaire à la fois technique et précis, mais aussi expressif et imagé. Un lexique est disponible à la fin de cet ouvrage. Les citations d’interviews sont, quant à elles, scrupuleuses et ne s’effarouchent pas d’expressions triviales ou, même parfois, oui-oui, vulgaires. S’il est bien un lieu, ou le langage doit se libérer et s’affranchir de toutes règles et limites, c’est bien dans la sexualité. Nous essayerons donc ici de retranscrire cette liberté au plus juste. Les maladies du sexe, étant qualifiées de maladies « honteuses », on imagine facilement ce qu’apporte cette vision négative par temps de sida : honte, exclusion, pêché et patati et patata. La sexualité est affublée d’un très grand nombre de terme descriptif péjoratif : anormal, pervers, déviation, inversion, etc. La liste est longue et révélatrice de ce que l’humain attribue à la sexualité : elle reste quelque chose de honteux et de sale. Nous essayrons donc ici, tant que faire ce peu, d’utiliser un vocabulaire le plus positif possible.
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