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MODIFICATIONS CORPORELLES 1

 



TATOUAGES, PIERCING, SCARIFIACTION, CUTTING ET BRANDING, 1

De nombreux contresens circulent sur les jeux de modifications du corps comme le piercing, les scarifications ou le branding. Pour les personnes extérieures à ces jeux, ces pratiques apparaissent comme dégradantes, douloureuses, et inesthétiques. « ça ne ressemble à rien. Son visage piercé ressemble à une tringle à rideau » peut-on entendre. Pourtant, pour ceux qui s’adonnent à ces jeux, la recherche esthétique est souvent capitale, « j'embellis mon corps », « j’en fais une œuvre d’art, peinte et marquée à jamais comme une toile ».

En Pratique : « Le samedi après-midi, je cours au centre ville de Zurich avec mon Didier me faire piercer le nez. Après mes tatouages que j’agrandis tous les ans et mes piercings aux seins, au scrotum et au gland, je veux encore plus travailler mon extrémisme, ma moderne primitivité. Mon premier tatoo, je l’ai fait à 12 ans, c’était pendant l’étude avec un compas et de l’encre de chine. Juste des lettres. Le deuxième, c’était un petit dragon (mon signe chinois, je suis très-très dragon en fait) que j’ai fait à Barcelone. Le troisième, un grand tribal en rouge et noir sur le bras droit, je l’ai fait à Amsterdam au début des années quatre-vingt-dix. Il est assez violent, on dirait des flammes, c’est une époque que je traversais. Dernièrement j’ai commencé une grande pièce qui couvre tout le bras gauche. Je l’ai dessiné, inspiration tribale. Donald, mon tatoueur de l’ASMF, l’a réinterprété. Il va évoluer vers le dos, peut être les jambes et les pecs.

Toutes les manipulations du corps sont une ré-appropriation de soi, c’est une question de Liberté. Comme la parole, l’écriture et la peinture. C’est aussi un acte provocateur. Dès que tu as un piercing la question idiote qu’on te pose c’est : ça fait mal ? Et pour le tatouage : tu vas garder ça toute ta vie ? Cela me fait beaucoup rire. Ces signes corporels renvoient toujours les gens à l’idée qu’ils sont eux-mêmes putrescibles, et cela, ça m’intéresse.

Dans la boutique toute blanche, j’ai choisi un gros anneau pour le nez à deux boules, pas discret pour un Euro : un septum nasal de 2, 4 millimètres, c’est le piercing social par excellence et il n’y à rien de mieux comme belle provoc. Hansi, le beau et très-très grand pierceur allemand, me demande encore de réfléchir une heure et de revenir. Ce n’est pas un acte à prendre à la légère me dit-il. Je pense bien mon cochon ! Ca fait un bail que j’en veux un. Je suis maintenant allongé sur le fauteuil, Didier me tient la main fermement. J’ai peur. Avec un stylo Hansi trace les repères. Pas d’anesthésie, il me prévient de la douleur. Alors je serre fort la main de mon Didier. Puis, avec un stylet chirurgical de bon diamètre, il commence le travail. J’entends un premier schratch dans ma tête ! Une douleur fulgurante. C’est la peau que l’on perce. Les larmes me montent aux yeux, je bande tout mon corps pour avoir moins mal. Hansi force comme un malade dans mon nez. Puis, j’entends un craquement terrible à l’intérieur de mon crâne, second schratch, encore plus violent et scratchant. C’est le cartilage du nez qui cède sous la pression du stylet. Ca résonne dans mon crâne. J’écrase la main de Didier. J’ai l’impression qu’Hansi me dépucèle littéralement par un trou qui n’existait pas, qu’il m’encule la tête, oui-oui. Putain de sensation ! Puis, voilà Hansi qui traverse de l’autre côté. Troisième schratch… Il me place mon anneau à deux boules. Je souffre, cela me semble long comme l’éternité. Ouf, c’est terminé, soulagé. Bel effet, ça en jette un max ! J’ai vraiment l’air d’une vache folle.

Dans la rue, j’ai l’impression que tout le monde me regarde, oui-oui, mon anneau est le centre stratégique de la ville : le trou du cul du monde. Mais je connais déjà ce Principe de Marginalité : il suffit de s’y habituer. Par la suite, se sont les autres qui ne vous semblent pas normaux à vous regarder bizarrement. C’est vrai, des fois, la normalité est affligeante de vide, d’improductivité et de tristesse ».

Extrait de Je bande donc je suis, , Balland 1999.

 

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