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TATOUAGE
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Tatouage. Le tatouage, pratique à l'origine idolâtrique et sauvage, apparaît souvent comme l'apanage des déracinés et des asociaux. C'est un mode d'expression naïf, une « recomposition » du corps, sa redéfinition. William Caruchet (Le Tatouage ou le corps sans honte, Éd. Séguier, 1995.) évoque la « tyrannie de l'ornement : l'homme supporte une écriture dont la lecture est offerte à tous ». Le marqué n'est plus neutre, anonyme et perdu parmi ses semblables. Autrefois souvent lié à une communauté réprimée (prisons, casernes, internats, etc ..), le tatouage reste encore l'expression d'un refus d'appartenance et d'intégration à la société. La marque marginalise. Les tatoués et les modernes primitifs (qui s'adonnent au Body-Art comme le piercing, le tatouage, les scarifications et le branding), sont la résurgence de l'homme « sauvage ». Ils relancent des coutumes ancestrales. Inversement, le marquage peut correspondre à une volonté radicale d'abaissement de la personnalité, un désintérêt du corps et le signe d'appartenance totale au « maître ». Dans le milieu SM gay, il existe plusieurs personnes entièrement tatouées, même sur le visage, par un maître par trop possessif. Les marques procèdent tout autant du langage que de l'écriture. Elles sont communications. Langage hermétique pour le profane, mais clair pour l'initié, marque totémique. Pour William Caruchet, « la survivance des temps où l'homme ne pouvait communiquer par l'écriture ou d'autres moyens, intéresseront toujours ceux qui voudront vivre en dehors des schémas habituels de la société. Pour comprendre le tatouage, on doit le considérer non seulement comme un phénomène humain, mais encore comme un phénomène naturel. Il est inhérent à la vie de nombreuses races et de groupes sociaux ». Pourtant, à l'opposé des cultures tribales ancestrales, le judéo-christianisme a toujours blâmé les marquages de la peau. La loi vient du Leviticus 19:28 de l'Ancien Testament, et est très claire : « tu ne feras aucunes coupures ni tatouages ou marques sur ta chair ». Un interdit au même titre que l'homosexualité, la bestialité, l'inceste ou l'adultère. Depuis les années 1990, on note une véritable escalade dans le désir de marginalisation du corps par le tatouage et la marque. Alors que piercings et tatouages sont devenues choses communes, à la mode voir passé de mode, le mouvement américain de scarifications et de branding tend à apparaître en Europe. Le livre Mondosexe, donne plusieurs exemples de l'extrémisme en vogue sur la Côte Ouest des États-Unis. Ainsi, Ron Athey, un des leaders des modernes primitifs de Los Angeles qui, lors de performances publiques, découpe le dos de ses partenaires, les brûle à l'aide de plaques de métal chauffées à blanc, et se plante lui même une couronne d'aiguilles dans le front, explique le credo de sa tribu : « la douleur vécue comme un martyre expiatoire ». Ron se veut avant tout un marginal : « la dictature d'Hollywood tient en un mot, WASP. Tout ce qui est noir, vieux ou différent est exclu, écrasé, par le racisme, la dope ou le sida. J'ai honte d'être blanc. Tatoué, marqué, j'emmerde les yuppies et les surfers. Le body playing est un défi à la dictature de la beauté. Big Brother nous regarde, le sida nous tue : nous sommes pieds et poings liés. Nous revendiquons le Body-Playing comme une des seuls choses dont nous soyons responsables. Le sang, c'est notre tribut au sida». La souffrance devient alors une expérience personnelle unique. Le tatouage devient symbole magique, comme une vaccination mystique. Autre forte personnalité du livre Mondosexe, Pig Pen : une fille qui ressemble à un garçon, tatouée de soixante têtes de mort qui représentent chacune un ami. Pour les radicaux comme Pig Pen, le Body-Playing est une manière de reprendre du pouvoir sur la nature qui massacre ses proches : « celui qui expérimente le Body-Playing atteint un autre niveau de conscience. Entre nous, c'est comme une connivence d'initiés. Le Body-Playing nous a permis d'afficher la distance avec les normaux ».
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