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SEXE ET COMMUNICATION

 



SEXE ET COMMUNICATION Sexe guide, Erik Rémès, Edition Blanche

LES MOTS POUR PARLER DE SEXE

Parler du sexe reste une tâche difficile. La sexualité n'est pas une activité parmi d'autres. Elle demeure encore trop souvent taboue. Pourtant, la sexualité devrait être un terrain de recherche ordinaire, un art et une science, un objet d'expériences ou d'expérimentation, un sujet de discours. Plus que dans tout autre domaine, la terminologie de la sexualité reflète les structures morales qui la sous-tendent. La loi du silence règne. Nous devrions pourtant tous verbaliser nos envies, plaisirs et jouissances, et parler de nos orgasmes. Les décrire en détail représente en effet un exercice très instructif sur la manière dont la sexualité est vécue. Timidité, fausse pudeur, dégoût, inhibition empêchent hélas trop souvent la communication sexuelle et amoureuse.

Quelques définitions. La sexualité est un phénomène complexe conjuguant les aspects biologique, psychologique, érotique, moral et culturel qui font que chacun se perçoit, agit et vit comme homme ou femme. Ce processus englobe l'identité sexuelle ainsi que les activités sexuelles et érotiques. C'est un potentiel humain à développer, présent de la naissance à la mort.

Homo et hétérosexualité se construisent dans un rapport réflexif.

Pour Catherine Deschamps 1 : La dénomination hétéro-homo est en elle-même une production homophobe, de même que l'opposition homme-femme serait une production sexiste. Ainsi le terme marqué, le terme visible, l'homosexualité ne sert qu'à délimiter et à définir le terme invisible et non marqué l'hétérosexualité. L'hétérosexualité se définit sans se problématiser et accède à un niveau de privilège précisément en étant invisible, cela parce qu'elle problématise en retour et rend visible l'homosexualité. Le privilège de la normalité fait aussi que l'hétérosexualité n'est pas un objet de connaissance. Par contre, l'objet de connaissance, c'est l'homosexualité.

Hétérosexisme. L'hétérosexisme est une discrimination positive à l'égard des personnes hétérosexuelles. Il renvoie à la hiérarchisation des groupes sociaux et à la domination des hétéros exercée sur les homos. L'homophobie viendrait sceller la cohésion entre dominants.

La norme. « L'anormal est ce qui est normal chez les anormaux 2». L'origine étymologique du terme norme est latine. Il est directement calqué sur le mot norma, qui appartient au vocabulaire de la géométrie puisqu'il signifie équerre. Cependant, deux notions s'adjoignent rapidement à ce premier sens, les notions de règle et de loi, révélant ainsi l'association commune entre une volonté d'exactitude des formes - l'équerre et celle d'organisation raisonnée des comportements humains. Master et Johnson, dès 1987, l'exprimaient déjà : La plupart des gens s'imaginent pouvoir juger intuitivement ce qui est normal ou anormal en matière de sexualité. Cependant, c'est le problème le plus ardu de la sexologie actuelle que de définir ce qui est sexuellement normal et ce qui ne l'est pas ». Les définitions du mot « normal » dans les dictionnaires décrivent généralement une manière de se conformer à un modèle caractéristique courant. Ce qui est normal varie avec le temps et les cultures. Master et Johnson poursuivent, « la différence entre normal et anormal est quelque peu arbitraire, parce qu'elle implique des jugements de valeur. Il est donc important de remarquer que, souvent, il n'y a pas de frontière définie entre l'anormal et le normal. C'est étiqueter les gens que de les définir comme « normal » ou « anormal » pour les décrire ; il en est de même pour les expressions qui paraissent scientifiques ou « officielles » : « sain, bien dans sa peau, respectueux des lois », ou, au contraire, « malade, pathologique, déviant, fou ou criminel ». Ces étiquettes influencent l'image que nous avons des autres, ainsi que l'image que nous avons de nous-mêmes.

Certains types de comportements sexuels, sont, comme par le passé, encore aujourd'hui appelés perversions ou aberrations. Ces étiquettes conduisent inéluctablement à la stigmatisation et sont appliquées de façon assez arbitraire, puisque basées sur la notion sous-jacente de norme culturelle. Pour se démarquer de cette vision moralisatrice et normative, nous utilisons dans ce guide, les termes « pratique » ou jeu sexuel ».

Perversion. Pour le Larousse, une perversion est un comportement consistant à rechercher de façon régulière le plaisir sexuel en dehors du rapport avec pénétration vaginale entre deux partenaires de sexe opposé (exhibitionnisme, fétichisme, etc.). Mis à part l'antédiluvien coït hétérocentré, beaucoup de pratiques peuvent être taxé de perversions, terme connoté péjorativement s'il en est. Intéressons-nous plutôt au terme de pratique érotique, paraphile ou encore à celui de conduite érogène, synonyme moins dévalorisant.

Une paraphyllie est une variation de l'activité sexuelle caractérisées par des pulsions, fantasmes et comportements sexuels marqués et persistants, impliquant des objets ou des situations inappropriés. (Syn : perversion, déviation, déviance). Pour Geneviève Paicheler, Sexualité et sida (ANRS, 1995), l'ordre social définit la norme. Celle-ci désigne une façon de se comporter et de penser au sein du groupe de référence. Tout écart à la norme, toute déviation, appelle sanction par des processus de normalisation. La déviation est donc un écart à une tendance statistique et la transgression, un comportement qui implique une dimension morale. Par l'intégration des normes, chacun, de nous s'efforce de devenir ce sujet obéissant, cet individu assujetti à ses habitudes, à des règles, à des ordres, à une autorité qui s'exerce continûment autour de lui et sur lui, et qu'il doit laisser fonctionner automatiquement en lui 1. Le contrôle social est transformé en contrôle de l'individu sur lui-même. La norme, au contraire de la loi, n'est pas écrite ni clairement formulée : elle est intégrée. Pour Geneviève Paicheler : Le respect de la norme ne donne pas non plus lieu à des récompenses particulières, si ce n'est celle de la tranquillité. C'est lorsqu'elle est enfreinte que la norme est rappelée, édictée et que l'opprobre se manifeste. Il faut donc relativiser ce terme réducteur et castrateur de norme. On devrait s'interdire de juger de la normalité des autres. Il n'existe pas de critères absolus concernant la norme mais une constellation de valeurs relatives et intimes.

Les sentiments contradictoires que nous pouvons éprouver à l'égard de nos organes sexuels sont reflétés par les mots que nous employons pour en parler 2 : certains mots sont propres (pénis, vagin, clitoris). D'autres sont « sales et impolis » (bite, con, cul, foutre, couilles, trou du cul, pine et j'en passe et des meilleures). J'ai donc choisi d'utiliser dans ce guide un vocabulaire à la fois technique et précis, mais aussi expressif et imagé. S'il est bien un lieu, ou le langage doit se libérer et s'affranchir de toutes peurs, c'est bien dans la sexualité. Nous essayerons donc ici de retranscrire cette liberté au plus juste.

Les maladies du sexe, étant qualifiées de maladies « honteuses », on imagine facilement ce qu'apporte cette vision négative par temps de sida : honte, exclusion, pêché et patati et patata. La sexualité est affublée d'un très grand nombre de terme descriptif péjoratif : anormal, pervers, déviation, inversion.

La coprolalie est la disposition à utiliser des mots obscènes ou encore scatologiques lors de rapports sexuels. C'est l'action de s'exciter ou d'exciter son partenaire en utilisant des mots cochons. En plein élan amoureux, il n'est pas rare que le vocabulaire utilisé devienne grossier ou vulgaire : « suce ma grosse pine », « bouffe-moi la chatte », « baise-moi comme une cybercochonne de l'espace ». La parole et sa libération permettent également de guider son partenaire : « oh oui ! Vas-y, fais radada ! Plus fort, fous moi des grands coups de queue, oh oui, plus fort » etc.

Cette pratique verbale demande une relative liberté sexuelle afin d'admettre à son encontre des injures ou bien une grande intimité entre les partenaires. La forte excitation que l'on peut ressentir lors d'un rapport fiévreux et endiablé amènera tout naturellement deux amants à utiliser certaines grossièretés librement consenties. Il ne faut y voir aucun avilissement particulier mais plutôt l'expression d'un amour ardent se défaisant d'un logos habituellement réprimé. Pour ne pas choquer son partenaire, il peut être utile de négocier au préalable l'utilisation d'un tel jargon. La coprolalie peut-être univoque ou plurivoque, certaines préférant juste entendre des mots orduriers sans en prononcer eux-mêmes, tandis que d'autre se régaleront d'échanges verbaux épicés. Elle permet de vivre par la parole certains fantasmes difficilement réalisables ou contrevenant aux règles établies par un couple. On peut ainsi, tout en sodomisant et respectant sa femme profondément, la traiter de « grosse truie qui aime la queue », de « garage à bite » ou encore de « poubelle à foutre ». Les orgasmes ainsi obtenus s'avèrent souvent extraordinaires, oui-oui.

Sexe guide, Erik Rémès, Edition Blanche

 

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