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« LE 21E SEX » UN ROMAN «OINK OINK» QUI BAISE LES NORMES de Agenda Q

 



« LE 21E SEX » UN ROMAN «OINK OINK» QUI BAISE LES NORMES Nous sommes nus, face à face, à nous étreindre, nous caresser. Je craque trop sur ce mec et son SEX. Je m’agenouille alors et commence à sucer sa grosse queue. J’adore ça. Je me délecte en lui bouffant les couilles. J’essaye de les avaler, mais elles sont trop grosses » ! On présente très souvent Erik Rémès comme l’auteur, forcément sulfureux, de trois romans qui le sont tout autant (1)… alors qu’il en a écrit davantage. Sulfureux : assurément ! Mais surtout sensuel comme le montre l’extrait de son dernier roman : «Le 21e Sex». En fait l’auteur est plus qu’un écrivain sensuel ou sulfureux : on pourrait le présenter d’abord comme un spécialiste de la sexualité (pas un sexologue, même s’il a fait quelques études dans ce domaine), plutôt un pratiquant invétéré, un expé- rimentateur des plaisirs et des limites et un passeur (d’infos et de conseils) comme le démontre quelques uns de ses ouvrages dont celui sur les massages érotiques (2). Enlevés, souvent amusants, très documentés, ces guides sont un peu la face ludique du travail d’Erik Rémès. Nettement plus intéressante et délibérément plus remuante est la face littéraire de l’auteur : celle qu’il a développée dans plusieurs de ses romans (surtout les trois premiers) et celle qu’il renforce aujourd’hui avec «Le 21e Sex». Plus intéressante parce que derrière la réelle et jouissive crudité du propos (les scènes de cul, très nombreuses, sont particulièrement bien décrites), on comprend que ce roman « porno-philosophique est d’abord marqué par incroyable liberté… de ton, de penser, de vivre, d’éprouver… Remuante parce que le texte et son auteur se placent dans l’esprit de la formule de Françoise d’Eaubonne, d’ailleurs en exergue du roman : «Vous dîtes que la société doit intégrer les homosexuels ; moi, je dis que les homosexuels doivent désintégrer la société. » Cette désintégration qu’Erik Rémès appelle de ses vœux, ou déplore qu’elle ne soit pas plus générale chez les gays, l’auteur la vit au quotidien avec un Q. On comprend au travers de la narration (très souvent talentueuse de «Berlin Tintin ») de scènes de cul, de plans collectifs, de conso de drogues, de fist et autres performances que c’est là que se tient la subversion. Elle est d’abord sexuelle. Ici, le sexe est révolutionnaire (surtout dans les dimensions dans lesquelles le vit et pratique l’auteur) et tient, à la fois, de la critique et de l’illustration des rapports de force que l’on trouve dans la société actuelle. Le roman peut ainsi se lire à deux niveaux comme le récit âpre et excitant d’une vie sexuelle chahutée et marquée du sceau du plaisir (comme une version d’aujourd’hui de « Tricks » en plus droguée avec des pages collées au Crisco) et une charge politique qui défend les marges contre les normes, qui entend même les déconstruire. L’ouvrage devient alors davantage une charge contre l’hétérocentrisme et un appel aux pédés à éviter de tomber dans son piège. Avec ce roman politique, dont l’auteur rappelle, à raison, qu’il « tache bien les draps », il s’agit bien, via le roman, de nous faire sortir de notre torpeur, de nous alerter sur la normalisation qui devient l’idéal des gays, de nous éviter la chute dans ce piège du «comme tout le monde» qui nous tend les bras. Au fil des pages, truffées de références (là, une citation d’une chanson des Rita Mitsouko dans la narration d’un plan cul, là une allusion au répertoire de Magali Noël lorsqu’elle chantait Vian et la dureté des plans SM), Erik Rémès nous enjoint à être loup plutôt que d’essayer de devenir chien. Un loup sexuel, forcément ! « Le 21e Sex », Par Erik Rémès, éditions Textes gais, septembre 2015, 14 €

 

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