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Journal du sida Je bande donc je suis

 



Journal du sida

http://www.reseauvoltaire.net/article9317.html

Combat face au sida > N° 21 - septembre 2000

Erik Rémès, les mots de la liberté

Journaliste et écrivain, Erik Rémès défraie la chronique parisienne bien pensante en publiant en 1999 Je bande donc je suis. Un an plus tard, il revient sur le devant de la scène littéraire avec Le Maître des Amours.

Rémès commence la rédaction de son premier roman - Je bande donc je suis fin 1995. Le titre initial était "Séropo ergo sum", un livre écrit sur le mode du "serial fucker" à l'image de ce qui se déroule aux Etats-Unis. Entre 1995 et 1999, date à laquelle le roman est publié chez Balland, le ton change. L'arrivée des trithérapies a modifié la donne. "Plus le temps passait, plus ce livre était positif et parlait de sexualité". Malgré cette évolution, la publication de Je bande donc je suis suscite une polémique. Act Up-Paris ne retient qu'un aspect de l'histoire : le personnage séropositif contamine sciemment ses partenaires. Damned ! Des affiches d'Act Up-Paris "Bander sans capote, ça vous fait jouir ?" vilipendent l'ouvrage et son auteur. Les attaques sont d'une rare violence. Act Up-Paris reproche à Rémès-écrivain d'encourager le sexe sans capote dans un roman, œuvre fictive par excellence, alors que Rémès-journaliste a toujours encouragé la prévention dans ses articles. Loin de l'affecter, ce conflit le conforte dans sa volonté de briser tous les silences et d'asséner au passage quelques vérités : "Ceux qui dénoncent les homos qui baisent sans capote ne font-ils pas le jeu des délateurs et de tous ceux qui veulent instaurer un délit de contamination ?".

Certes Je bande est radical et Rémès est un provocateur. Mais la provocation n'est pas gratuite, elle est une réponse aux tabous, aux non-dits, à tout ce que nous ne voulons pas savoir. Savoir par exemple qu'un site Internet regroupant environ 150 personnes françaises propose des rendez-vous pour des relations sexuelles sans préservatif. Savoir que dans les backrooms, la prévention n'en est qu'à ses balbutiements. "En tant qu'écrivain, j'ai le droit de retranscrire cette réalité, ne serait-ce que pour faire prendre conscience des dangers et éviter des contaminations. D'autre part, n'oublions pas que c'est parce que le personnage est trahi qu'il décide de trahir à son tour".

Si la parution de Je bande suscite quelques "crises de nerfs", elle enthousiasme surtout un lectorat sensible à la générosité et à la franchise de l'auteur. Nombreux sont ceux qui se reconnaissent dans Berlin Tintin, héros au cœur tendre et au nom de bande dessinée.

Le retour de Berlin Tintin

Un an plus tard, Rémès publie Le Maître des amours. Berlin Tintin est cette fois-ci bisexuel et prostitué. Il apprend à ses clients à découvrir leur corps, il enseigne le plaisir et l'amour.

"Je ne parle de mon boulot de pute à personne. Je reste seul avec. Je n'aurais pas supporté qu'on me fasse la moindre réflexion à ce sujet. Je sais bien que peu de gens peuvent comprendre ça. Qu'il faut être libre, très libre, trop libre, ou fou, pour comprendre. Qu'on ne peut pas comprendre ça. Que ça provoque le plus souvent rejet, dégoût, honte et exclusion. Sale pute. À cause de cela, les premiers mois, je n'en ai parlé à personne".

Plus tard, Berlin Tintin se confronte à l'incompréhension et aux insultes de ceux qui préfèrent témoigner leur hostilité à la prostitution par des réactions violentes. Des insultes, parfois des coups.

"Et vous ? Qu'en pensez-vous ? Que ressentez-vous à l'idée de vous offrir à un ou une inconnu et de faire l'amour pour quelques dizaines d'euros ? Cela vous dégoûte ? Cela vous fait peur ? Cela vous excite ? Un peu de tout cela. C'est bien, c'est normal. Vous verrez, avec le temps, on s'y fait, on s'y habitue, on trouve presque cela banal. Vivre nous paraît bien normal à tous. Et bien moi, la vie, je ne trouve pas ça toujours normal." Malgré la difficulté du thème choisi, Rémès évite la provocation gratuite. Son regard est plein de tendresse. Parce que "la tendresse, c'est beau avec tout le monde". Ce roman est à l'image du précédent, plein de générosité, d'amour, de vie. Réaliste sans être trop sérieux, Rémès se révèle également maître d'humour. À la violence de la société, il oppose une attitude de dérision.

Je bande... et Le Maître des amours sont des leçons de vie, pour apprendre à surmonter la douleur d'une séparation, pour dépasser les galères du manque d'argent, pour vaincre l'enlisement.

Si ces romans sont plein d'impudeur, Rémès reste secret. "Ce que je suis vraiment ne regarde que moi et mes proches". On sait simplement de lui qu'il est un homme engagé même s'il se dit trop individualiste pour militer. Il s'est investi dans la lutte contre le sida, jusqu'à l'apparition d'une "Nomenklatura sida" qui l'écarte définitivement de ce milieu. "Certains militants associatifs ont fait une convention de séroconversion vers le sida. Ils sont devenus des professionnels de cette maladie". Aujourd'hui, ses colères sont politiques, dirigées entre autres contre l'homophobie. "Après l'adoption du PACS, la lutte contre l'homophobie crasse sera le combat de l'an 2000. Lutter contre le sida ou contre l'homophobie participe du même travail contre l'intolérance et la peur de l'autre". Puis il ajoute : "Quand on aura moins peur de soi, on aura moins peur des autres".

Rémès reconnaît aussi vouloir atteindre la vérité de Berlin Tintin, "drôle, infantile, naïf qui veut rester pur malgré tout. J'ai commencé à trouver la paix et l'harmonie en moi. J'ai toute la vie pour y arriver". Et toute la vie pour écrire. N'en déplaise à ses détracteurs.

Je bande donc je suis, Le Maître des Amours, Editions Balland, Collection "Le Rayon"

A venir : Guide de l'hétérosexualité et des plaisirs pan-sexuels.

 

www.erikremes.net