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Interview La Spirale.org Serial fucker

 



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Laurent Coureau

Serial fucker : Après le roman culte underground Je bande donc je suis, contant la vie gay et SM des années sida et Le Maître des amours, sur son expérience de masseur prostitué bisexuel, Erik Rémès poursuit ici son exploration des déviances flamboyantes. Il a décidé d’assumer pleinement la noirceur humaine pour pénétrer au plus profond de nos âmes. Erik, 38 ans, titulaire de maîtrises de psychologie clinique et de philosophie, est journaliste (Gai Pied Hebdo, Libération et Nova Mag), écrivain et peintre. Déluré, il livre ici un brûlot sans concessions, féroce, noir, drôle et cynique sur la condition humaine. Un ovni littéraire, politique et queer qui décrit l’univers des pratiques (sexuelles) à risques sur fond de sida allégorique et universelle. Écrire = (sur)vivre. Un livre obsédant, fort et dérangeant dont vous ne sortirez pas indemne et qui vous questionnera au plus profond de votre âme. Que sont la vie, l’amour, la mort et le respect de l’autre dans une société individualiste en quête, au mieux, d’une nouvelle étique, au pire, du néant ?

Un roman à la construction surprenante et au style originale. Une succession de paragraphes courts, disjoints dans le temps et l'espace à l’image de notre époque déstructurée. Une alternance de vécus directs et indirects, d'extraits de documents, de récits, de dialogues, de réflexions, de commentaires. Un grand rythme mêlant journal des années bareback, livre de journaliste sur un des phénomènes marquant du début du second millénaire et roman violent à la sexualité débridée.

Commencons par le commencement. Peux-tu nous expliquer en quoi consiste le Bareback et quelles sont ses origines ?

Le relapse c’est l’arrêt temporaire de l’usage des capotes. Le bareback c’est le choix délibéré de baiser sans capotes. C’est un terme anglo-saxon qui signifie « monter a crue ». Les barebacker sont souvent des séropos (ou le deviennent très vite…) qui baisent avec d’autres séropos. Il y a aussi les serial fucker qui eux, cherchent à contaminer les séronègs. Sida is disco.

02. Qu´est-ce qui explique selon toi l’apparition et la propagation de ces pratiques a risques consentis ?

le sida qui s’éloigne, les médias qui s’en contrefoutent, l’absence de volonté politique, l’arrivée des tri-thérapies qui repoussent la mort (enfin pas toujours), puis le ras-le-bol des capotes après 20 ans de protection. On a déjà le sida, vous voulez pas qu’on se fasse chier avec des capotes en plus, non ? la question de la surcontamination n’a jamais été prouvée.

03. Quelle est l´ampleur du phénomène ? Existe-il des statistiques fiables sur le Bareback et son rôle dans la recrudescence des cas de contamination ?

D’après les dernières enquête, un gay sur trois qui fréquentent les lieux gays à eu un rapport non protégé avec un partenaire occasionnel dans l’année. Tous les ans ce chiffre augmentent, les statistiques deviennent exponentielles. C’est très inquiétant. Quand on est séroneg, il vaut mieux le rester…

04. Quelles peuvent être les motivations d´une personne séronégative qui cherche une personne séropositive pour la contaminer ?

No future, c’est du suicide assisté par barebacker, du punk fuck. On vit dans un monde de folle, tout part en couille, on a plus de repères, plus de dieux (si ils ne sont pas mort je veux bien les contaminer, les Jésus et autres détraqués de la soutane…). Jean-Paul 2 condamne l’usage des capotes (nous aussi).

05. Quelles peuvent être les motivations d´une personne séropositive qui accepte sciemment de contaminer une personne séronégative ?

le sida est une arme pour certains, une manière de tuer discrètement, de se venger de la vie, des autres et de soi. Le sida est un prétexte littéraire trash formidable. On peut faire du gore mélangé au sexe et au désir, un livre noire et en même temps totalement incarné dans le réel. Le monstre, c’est votre amant(e), l’enfer, la café du coin.

06. Quels sont les réseaux du Bareback et comment fonctionnent-ils ? En clair, est-ce qu´il s´agit d´un phenomene souterrain, difficile a repérer ?

Non ! Internet, la porno Babylone, est idéal pour les plans jus. On trouve des milliers de chats et de groupes de discutions les plus pointus les uns que les autres. Sinon dans les back room, il est très facile de trouver un mek pour baiser sans.

07. Quelles ont été tes motivations pour écrire Serial Fucker ?

j’en avais marre qu’on nous attaque, Act Up en tête, qu’on nous traite d’irresponsables, d’assassins, de criminelles de grenades sexuels et patati. Je les emmerde tous ces fachos qui n’essayent pas de nous comprendre et nous rejettent. Je ne supporte pas l’exclusion, ça me rend très violent. C’est à la fois un livre de journaliste sur un des phénomène marquant du nouveau siècle. Mon récit en tant qu’acteur et observateur de ce mouvement. Un état de lieux surréalistes sur la communauté gay, très exotique et drôle pour les hétéros.

08. Peux-tu revenir pour les lecteurs de la Spirale sur ton parcours d´écrivain et de journaliste ?

j’ai commencé dans la presse gay, à Gai Pied hebdo, puis Libé, Nova. J’ai publié deux romans chez Balland, Je bande donc je suis, Le maître des amours. Je sors en mai 2003 un Guide du sexe gay (400 pages pour faire l’amour pas la guerre). J’ai dans mes cartons un pamphlet hétérophobe et cynique « stop à l’hétéronorme, contribution au déclin de l’éhétrosexualité », un « guide du sexe » transversale (homo-hétéro-bi), un Guide du sexe lesbien, et un roman sur le désir et la sexualité des enfants vers les adultes.

09. Quelle est la part d´autobiographie dans ce livre ?

je ne suis pas autant un monstre que mon personnage BerlinTintin. Je joue avec le réel, c’est un livre d’histoire ou de socio sur le milieu gay et trash, avec des références d’actualité, mais je décolle de la réalité. C’est terrifiant pour le lecteur ce jeu avec le réel puisqu’il perd ces repères. Il y a des scènes de meurtres (style un mek qui fiste un autre et lui arrache son cœur de l’intérieur avec une lame de rasoir).Personnellement, je n’ai tué personne. Mais j’adore les livres violent à la Dantec, Poppy Z Brite et patata. Mieux vaut mourir du sida que d’ennui.

10. Tu es seropositif depuis plus de dix ans et tu suis actuellement une bitherapie. J´aimerais que tu nous parles de l´impact de ta séropositivité sur ta vie, au quotidien, et de ce que ca implique.

14 ans ma bonne dame. J’ai été en bithérapie pendant deux ans. Là, je ne prends pas de traitement puisque je suis en parfaite santé. Et tant mieux. Il n’y a pas que le sida dans la vie. Non, je vis très bien avec, c’est un pote. Le sida, parce que je le vaut bien !

11. Quelles ont été les réactions a la publication de Serial Fucker, tant au sein de la communauté homosexuelle que dans les médias de masse ?

Omerta et autodafé. Je me suis fait pleins de nouveaux ennemis avec mon discours libre et vrai. Je suis pour une homosexualité révolutionnaire, subversive et iconoclaste. Je suis anar et infantile. Genet For ever, crimes, prostitution, vol et patata. Les réactions hystériques et violentes à Serial Fucker sont révélatrices des non-dits de notre communauté et de son impuissance à envisager sa part d’ombre. Têtu qui me menace de procès et me demande de supprimer plusieurs passages (ce que je n’ai pas fait), la seule librairie gay, « Les mots à la bouche », qui me refusent une séance de dédicace et vendent le livre avec un avertissement (« nous sommes en total désaccord avec le contenu de ce livre »), les pressions faites sur mes amis, sans parler des messages d’insultes que je reçois… Tout cela me conforte dans l’idée de secouer le cocotier de l’hypocrisie homo. Non, un écrivain gay n’est pas là pour donner une bonne image de la communauté mais une image vraie ! Non, la prévention du « tout capote » à fait long feu, cela ne marche plus et il faut proposer des politiques de réductions des risques. Je parle beaucoup des hétéros dans c livre et le personnage secondaire, Nina est une femme hétéro séropo. Act Up et les censeurs de tout poils sont « irresponsables » et « criminels » de ne pas vouloir laisser les barebackeurs s’exprimer et de les stigmatiser. Cacher la vérité n’a jamais fait avancer les choses. Act Up est morte pour les pédés. Non au fascisme de gauche, non à la pensée unique, oui à la sodomie !

12. Je crois avoir lu que ton éditeur est attaque en justice pour sa publication. Ou en est la procédure ?

Ce sont ces idiotes réactionnaires de Têtu-Act Up qui n’ont rien trouvé de mieux lorsqu’elles ont reçu les épreuves que de les faire lire à leur avocat. On a reçu une lettre de 10 pages nous demandant de modifier ou supprimer une centaine de passages. On a rien enlevé, je leur pète au cul à ces folles staliniennes.

13. Peux-tu nous parler de la polémique qui vous oppose, Guillaume Dustan et toi-même, a Act Up et plus particulièrement a Didier Lestrade ?

Act up est mort pour les pédés. Ils sont bons pour les tox, les prisonniers et les putes, mais pour les gays, c’est terminé. Ils font preuve d’homophobie interne, de sexophobie et de sérophobie.

14. Tu as toi-même fait partie d´Act Up. Comment justifies-tu ce revirement de ta part ? Qu´est-ce qui a change chez toi et/ou chez Act Up pour que vous retrouviez aussi diamétralement opposes ?

Disons que je suivais leur travail et que je couvrais leurs actions pour les canards dans lesquelles je travaillais. On assiste à l’émergence d’un vrai scandale de la prévention gay : l’Etat et les assocs seront jugés responsables et coupables. Ils ont loupé le coche de la prévention en milieu gay avec leur discours stérile sur le tout capote qui de toute façon ne marche plus actuellement. Act Up est irresponsable et criminelle.

15. Que repose-tête a ceux de tes détracteurs qui t´accusent de t´accaparer un sujet aussi grave dans le seul but d´attirer l´attention et de faire parler de tes livres ?

C’est vrai que je suis allé assez fort dans la provoc. Mais elle n’est pas gratuite mais politique. Tout a commencé en 99 quand Act Up lors de la gay pride a lancé ces affiches ou j’étais accusé de faire l’apologie des pratiques à risques dans mon livre. Un écrivain se doit d’aborder des sujets difficiles, c’est un devoir que de dire la vérité et sortir du mensonge. Sinon je remercie Act Up pour leur travail de buzz digne des meilleurs attaches de presse. Je suis un écrivain scandaleux et radicale qui aborde des sujets de société grave. J’ai une formation de psychologue et de philosophe. Je fais pas de la littérature pot de fleur, mais de la rentre dedans à sec (ni protection). De la littérature sodomite. Sinon j’adore qu’on parle de moi, même en mal. J’écris pour les autres, donc je n’existe aussi que dans ce rapport à mes lecteurs. Mais j’ai aussi de nombreux admirateurs et demandes en mariage.

16. Que penses-tu du cas recent du cannibale allemand qui recrutait ses victimes consentantes sur les sites de rencontres homosexuels ? S´agit-il pour toi d´un rapport entre deux adultes consentants ? Ou se situe la limite du libre arbitre ?

C’était pour des suchis ou des saucisses ? C’est une affaire de goût. on vit dans une société de loi. Contaminer quelqu’un n’est pas un acte condamné par la loi (le manger si). Faut-il que ce le soit ? Non bien entendu. Elsheimer ou sida, il faut choisir !

17. Que penses-tu du parallèle entre ce cas et le Bareback ?

L’amour c’est la mort. L’amour c’est la fusion. Eros encule thanatos.

 

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