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La Presse (Quebec) Serial fucker

 



La Presse (Quebec)

http://www.cyberpresse.ca/tendances/article/1,157,1084,052003,286285.shtml

Photo Denis Courville Erik Rémès, auteur de Serial fucker, journal d'un barebacker Portrait d'Erik Rémès Éloge du barebacking Samuel Pradier collaboration spéciale, La Presse

Parce qu'il est séropositif depuis 14 ans et fatigué d'utiliser des condoms, Erik Rémès a choisi une attitude subversive, le bareback. Désormais, c'est sans aucune protection qu'il aborde les relations sexuelles avec ses partenaires. Pour sensibiliser le public à ce nouveau phénomène, il s'est aussi proclamé porte-parole en publiant Serial Fucker, journal d'un barebacker.

«Le bareback touche à beaucoup de choses, à la vie, à la mort, au désir, au respect de soi et de l'autre...» explique Erik Rémès. D'après lui, il fallait écrire un livre sur le bareback, car cela n'a jamais été fait ni en Europe ni aux États-Unis, où ce phénomène est né il y a quelques années.

Le barebacking désigne les rapports sexuels non protégés, sans condom, hétérosexuels ou homosexuels, entre personnes sérodiscordantes ou pas. «À travers ce roman, je voulais traiter du problème dans son ensemble, regarder le monde à travers le prisme du bareback. Je voulais aussi montrer l'image de la seule chose qui peut rester subversive dans l'homosexualité, c'est-à-dire le bareback».

Bien connu du milieu homosexuel français, journaliste pour de nombreux magazines spécialisés, artiste peintre et photographe, Erik Rémès s'est aussi donné pour mission de provoquer le public par des attitudes extrêmes pour tenter de les faire réfléchir sur les grands maux de la société. Son premier ouvrage, Je bande donc je suis, traitait du milieu SM (sado-maso) et du sexe hard, tandis que son second roman, Le Maître des amours, évoquait le milieu de la prostitution masculine.

Mais, Serial Fucker va plus loin dans la provocation. «Ce qui fait que le livre est très inquiétant, c'est qu'il joue avec le réel et la fiction. J'ai intégré des personnes existantes avec des personnages fictifs. À la lecture, les gens sont paniqués parce qu'ils ne peuvent plus dissocier à quel point c'est une fiction et à quel point l'auteur est engagé dans cette fiction. C'est très déstabilisant. Les gens qui prennent le livre au premier degré sont horrifiés», analyse l'auteur. Il avoue d'ailleurs timidement que la provocation est aussi un leitmotiv dans son travail. «C'est le devoir de l'écrivain de remettre tout en question et d'appuyer là où ça fait mal», même si cela se fait au prix du rejet ou de l'agression.

En effet, son éditeur a été victime de vandalisme, il y a une dizaine de jours. Des militants parisiens d'Act Up (association de lutte contre le sida) ont saccagé les bureaux des Éditions Blanche pour protester contre ce livre qui leur apparaît comme «un appel à la contamination». «L'auteur prodigue des conseils sur la manière de contaminer quelqu'un à son insu en découpant au rasoir le bout d'un condom ou en le perçant avec une aiguille», explique Act Up dans un communiqué. Les ennuis ont aussi poursuivi Erik Rémès de passage au Québec pour des rencontres promotionnelles. Il a en effet été victime d'une manifestation hostile de la part d'une militante d'Act Up, lors d'une séance de signatures à la librairie Renaud-Bray du Village, samedi dernier. Le lendemain, c'est sur le plateau de l'émission de Christiane Charette que l'auteur français a eu une altercation avec le comédien Yves Jacques.

Il n'est pas facile de défendre des idées aussi politiquement incorrectes, voire criminelles, mais Erik Rémès est en accord avec sa conscience. En discutant avec l'auteur, on comprend que sa volonté, au fond, est de provoquer les gens pour les faire réagir. Le sida tue encore de nombreuses personnes et la trithérapie n'a pas stoppé le phénomène. La prévention contre le sida et les MTS est une priorité absolue, au même titre que la prévention de l'alcoolisme ou contre le tabac.

En fin de conversation, il a avoué être amoureux depuis près d'un an. Avec son ami, qui est séronégatif, il utilise des condoms à chaque relation, contrairement à ce qui est écrit dans son livre. «Mais il ne faut pas le dire. La provocation, c'est aussi du marketing», ajoute-t-il comme pour essayer de se faire pardonner.

 

www.erikremes.net