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Témoignage sida : Pendant la grève, le sida reste ouvert Citegay.com, janvier 2000

 



Le premier décembre dernier, c'était la fête au sida, sa "Journée Mondiale", comme on dit celle des femmes, des animaux ou des handicapés. Quel bide médiatique! Bon, c'est vrai que le raz-le-bol social est général et qu'il ne touche pas que les sidéens. Après une semaine de grève, 5000 pédales sidéennes à une manif ne pèsent pas bien lourd. Mais ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de métro que ça nous empêche de crever.

Face à l'absence d'événements fédérateurs (comme le Sommet sida des Chefs d'Etat de 94), cette journée du 1er décembre 1995 ressemblait à un vieux patchwork mité. Chaque groupuscule sida y allant de son happening épidémiologique dans les hôpitaux, les Mairies ou les églises. Pourquoi aller à nouveau dans ces salles aseptisés que nous connaissons trop bien, dans ces maisons du peuple qui sont encore incapables de reconnaître nos droits d'homo-citoyens ou ces lieux de culte infâmes? Sans parler des expositions artistiques, parachutées à toute berzingue depuis le cabinet du Ministre, pour faire un lien parfois plus que douteux entre «art» et «sida».

Il fallait les voir ces festivités du premier décembre! Frigorifiques à se geler ses dernières T4. A croire que cette date a été choisie exprès pour éradiquer les derniers séropotanus. Le Syndicat National des Entreprises Gaies (SNEG) avait ouvert le bal en lançant sa Charte de responsabilité des établissement gays face au sida. Là, c'était le sida-chic dans la salle des mariages choucroutée de stucs de la Mairie du IVème (où d'ailleurs, n'était présent que le premier adjoint). Entre deux-trois petits fours, la nomenklatura des établissements gays paradait en costume-cravate (les gays ont toujours des rapports fusionnels avec leur Maire). Ne donnent-ils pas des arguments supplémentaires à ceux qui disent que "le sida est une chance pour les gays et leur reconnaissance?". Mais face au retour de l'ordre moral, il faut bien protéger les établissements gays de toutes répressions.

Le night-clubbing sida continuait par les "Lumières contre l'oubli", une cérémonie organisé par un collectif d'assos en mémoire de toutes les personnes disparues. En plein air, la nuit tombée. On pouvait y allumer une bougie en mémoire de "ses" morts en égrenant de longues listes de disparus : "Ca ressemble à une messe" disait un jeune garçon. La météo glaciale et la grève aidant, ils étaient moins de cinq cents à s'être déplacés pour une opération subventionnée par la Direction Générale de la Santé à hauteur de 380 000 francs. 800 francs la bougie donc. Alors, il ne faut pas s'étonner que certains crient au "scandale de l'argent sale du sida". Beaucoup trouvaient cela très émouvant et pleuraient. D'autres par contre pouffaient "Jésus reviens, Jésus revient parmi les siens". Beau moment, Philippe Labbey présentant le patchwork en hommage à son mari décédé le 18 octobre 94 : "J'imagine qu'il se trouvera bien quelques responsables de la santé pour venir se pencher devant ce patchwork, je me prends en ce moment à rêver, Cleews, que tu te lèves pour les gifler. Cleews m'a dit quelquefois qu'il n'était pas pressé de finir en patchwork qu'il comparait à des dessus de lit. Voilà, j'avais un mari aujourd'hui j'ai un dessus de lit".

Sinon, c'était complètement déprimant. Y en marre de la mort, donnez nous de la vie. Oui, décidément, ce premier décembre était bien fade, de l'auto flagellation, du SM sida même. Sans parler de l'absence du public et des médias. Dont Libération. A croire, comme le criait Act Up, que "300 000 séropos : la France vous préfère mort". Alors, un jour sur 365 pour rien? Faut-il en finir avec cette journée?

Copyright Erik Remes, Edition Blanche-Balland

 

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