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Témoignage sida : les parents Ex equo, juillet 99

 



Normalement, les parents, c’est fait pour mourrir avant les enfants. Moi, étant séropo, voilà dix ans que je pensai partir avant eux. Pourtant, les parents sont vraiment pas faits pour enterrer leur portée. Avec ces tri-thérapie et l’éventualité enfin réaliste de se sortir du sida, me voilà donc confronter à l’idée de les enterrer. Ca m’angoisse. Ca me terrorise même.

Enfant et jeune adulte, je me suis toujours permis tout et n’importe quoi avec eux. Etre hystérique, caractériel et infantil (je n’ai guere changé d’ailleurs). Devenu séropo, j’ai continué à faire tout et n’importe quoi avec eux. Etre hystérique, caractériel et infantil. Après tout, me disais-je, étant condamné a mourrir jeune, ils pouvaient bien me passer tout et n’importemporte quoi. C’est vrai, étant devenu séropo jeune, au sortir de l’adolescence, pourquoi devenir adulte? Pourquoi grandir quand on sait que l’on va mourir? Parce que le sida était sensé me responsabiliser, donner tout son poid à la vacuité de mon existence? Parce que condamné à mourrir jeune, il me fallait remplir ma vie au plus vite? Bourrer la vie de sens comme un bon groscul? Que nenni. j’ai toujours pense que la vie était faite pour jouir et que toBref, j’étais resté un sal petit merdeux, hystérique, caractér. j’ai toujours pense que la vie était faite pour jouir et que toute autre approche rationelle était un leurre. Bref, j’étais resté un sal petit merdeux jouisseur, hystérique, caractériel et infantil.

Les trithérapies deboulant dans le paysage viral, la donne a changé et si je ne meurs pas avant d’une crise de vache folle, c’est donc bien moi qui devrait enterrer mes vieux. Pourtant, qu’est-ce que c’était agréable et zen de ne pas se poser la question hautement existentiel de la mort de ses géniteurs ; de sa maman et son papa tant aimés ; de la disparition de son origine, la preuve de son passé qui disparait a jamais. Parce que quoi on en dise et quoi qu’ils se soient passé, ses parents, on les aime quand même. Et si ma mère a été la personne que j’ai le plus haï étant enfant et adolescent, à presque en souhaiter sa mort, elle n’en demeure pas moins maintenant ma maman que j’aime. Et si mon père a toujours été absent et une quasi figure paternel virtuel, il n’en reste pas moins le papa que j’aime.

C’est peut-être un nouvel effet secondaire des trithérapies, je ne sais pas, mais j’ai l’impression maintenant de devenir adulte. A 33 ans, il serait temps. Il m’aura donc fallu attendrrns pour come 33 ans pour commencer à avoir des relations mûr avec eux, cesser les crises et les heurs. Ce n’est pas tres tôt, mais heureusement, ce ne n’est pas trop tard. Et puis, on ne devient un bel adulte que si l’on a su garder l’enfant en soi.

Copyright Erik Remes, Je bande donc je suis, Edition Blanche-Balland

 

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