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Témoignage sida : Pneumo et Toxo sont sur un bateau Gai Pied Hebdo, avril 92

 



Hôpital St Antoine, dimanche calme et lourd après l’orage, pavillon Axial. Le même où Bruno a eu sa septicémie fulgurante, sordides réminiscences. HIV. Je reprends les mêmes couloirs, marche sur les mêmes pas, retrouve ma trace. Je rends visite à mon vieux copain Stéphane T qui, après sa toxoplasmose, nous la joue le retour de la tuberculose. Mais c’est un grand garçon excessivement fort. Cela va faire bientôt dix ans qu’il se bat contre le Virus puis contre sa maladie déclarée. Je me souviens de sa dernière sortie d’hôpital, des longs moments privilégiés qu’on passait ensemble au restaurant. Il me racontait sa pneumopathie avec moult détails, entre les nems et le riz cantonné, comment il crachait des petits morceaux de poumons glaireux. Stéphane, Il en fait toujours trop.

Mardi, 7è étage, chambre 719. L’ascenseur est le même. Stéphane n’a pas dormi et a passé la nuit à s’étouffer. Maintenant, il a repris des couleurs et le moral. Il me raconte une histoire : ce matin, son voisin de chambre, un vieux monsieur à qui on faisait une coloscopie, lorsqu’on lui rentra la canule dans le derrière, hurla comme un putois. Mais quoi ! Je ne suis pas un pédéraste, qu’il disait. Et Stef de répondre : ben moi si mais ce n’est pas pour ça que je me fous des tuyaux dans les fesses. On éclate de rire. Son petit ami Fred vient le voir. C’est un garçon qui a beaucoup d’humour. Il s’assoit, prend une feuille de papier et commence à écrire à voix haute : moi Stéphane T lègue à mon ami Fred l’intégralité de mes biens. C’est ton testament chéri. On est sur le cul, il nous faisait une petite plaisanterie. C’est vrai, il faut toujours dédramatiser dans ces cas-là et rire de tout, même et surtout du Sida.

Jeudi. Steph est enfin sorti de l’hôpital Saint Antoine, sa maladie opportuniste est quasiment guérie. Il est hospitalisé à domicile. Il doit bien en être à sa cinquième pneumocystose, troisième tuberculose, et trentième hospitalisation. Mais il est toujours là, même s’il est de plus en plus amaigri et fatigué. Mais il se bat. Il se battra toujours.

Copyright Erik Remes, Je bande donc je suis, Edition Blanche-Balland

 

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