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Le site de l'écrivain Gay | ||||||||||||||
Libres (d’en mettre) E M@le décembre 2000
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L’ « AG des pédés » organisée par Act Up a donc réuni les différentes fractions de la communauté pour trouver des solutions au bareback. Quelques pistes se sont dégagées de ce débat houleux et violent. Dans le cadre de campagnes de prévention généraliste et ciblée gay, il faudrait notamment rappeler que le sida reste une maladie mortelle ; que les traitements sont lourds ; que les effets secondaires sont difficiles à vivre ; que l’on peut attraper de nombreuses MST ; que les surcontaminations par des virus mutés engendrent des résistances aux traitements. Quel l’on soit séropo ou séronèg, il faut donc toujours se protéger. Reste que certains, malgré ces risques graves, préfèrent baiser sans capotes. Dès 1999, Act Up s’en prenait à Dustan et moi dans leur campagne « Baiser sans capotes ça vous fait jouir ». Nous serions des prosélytes du bareback dans nos romans. A cette réunion les injures ont continuées à fuser contre nous. Quelques précisions s’imposent. Un écrivain a le droit et le devoir de dire ce qui se passe dans notre société. Dans « Je bande », je m’attaquais au sexe à risque chez les gays. C’est un livre de prévention radicale. Dans mon prochain roman, c’est une héroïne hétéro et séropo qui contaminera des mâles hétéros. Le rôle de l’écrivain et aussi de mettre en garde, de poser des questions violentes. Oui, le sexe est bien un ultime espace de liberté insondable. Seules les drogues, l’amour et la sexualité provoquent des réactions aussi fortes et parfois proches de la folie. Face à cette irrationalité du sexe, il s’agit donc de ne pas avoir de position trop tranchées mais de faire preuve de souplesse. La position du journaliste est différente. Depuis dix ans, de Gai Pied, Projet X, Libé, Nova mag ou ici même, j’écris des articles sur la prévention. Car il faut répéter que le sida est toujours parmi nous et que certains moyens permettent de ne pas le contracter. La capote avant tout. D’aucuns me reprochent alors une position schizophrénique. Je serais barebacker dans mes romans et préventionniste dans mes articles. Comme le dit mon ami Tim, « chacun de nous développe sa propre stratégie pour se protéger, en référence à une histoire personnelle incontrôlable par n'importe quelle structure collective. » Il n'y a pas de modèle, puisque la sexualité est par définition une aventure personnelle, partagée avec d'autres le temps de l'action, la conjugaison temporelle de deux histoires autonomes. On peut faire ce que l'on veut, risquer de choper le das, se détruire par la drogue et l’alcool, être folle ou serial fucker, à la seule condition d'agir consciemment, de savoir pourquoi on le fait. C’est à cette totale conscience de nos actes et de notre liberté qu’il faut tendre. Je ne suis pas un prosélyte bareback. Mais je vois autour de moi de plus en plus de garçons le pratiquer. Individuellement, je préfère baiser sans capotes. En tant que pédé, nous avons le droit de baiser comme il nous plait ou il nous plait avec qui il nous plait. Lors de cette réunion, les radicaux d’act up et même le SNEG ont (re)lancés l’idée de mettre en place des agents de surveillance de backroom. Une sorte de « police des mœurs » chargée de surveiller nos sexualités. Il a même été poposé d’exclure ceux qui baisent sans capotes. Act Up cherche-t-elle à criminaliser les séropos ? Act Up traverse une sérieuse crise d'identité : elle ne sait plus à quoi elle sert. Big Brother dans les bordels. La liberté sexuelle des gays est incompressible. Elle s’est de tout temps jouée de toutes répressions.
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