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CONCLUSION : VERS UNE PANSEXUALITÉ

 



VERS UNE PANSEXUALITÉ Copyright Sexe guide, Erik Rémès, Blanche 2004

Les représentations et les pratiques sexuelles, comme nous l'avons vu dans ce livre, ont radicalement changées à la fin du siècle dernier. Multipartenariat, des perversions des pratiques, banalisation de l'homosexualité et de certains jeux (fellation, partouzes, masturbation, SM) sont quelques unes des conséquences de cette évolution. D'autres changements sont intervenus comme la dévalorisation du mariage (et même du couple stable), de la famille, de la monogamie et de la virginité féminine. De même en ce qui concerne la dé-hiérarchisation progressive des genres (masculin-féminin), avec une remise en question des rapports entre hommes et femmes. On assiste à la reconstruction de la perception des genres masculin-féminin. Les discours féministes sont repris par l'ensemble de la population féminine et touche même les hommes. À partir des années 1970, les mouvements homos et lesbiens occupent un espace social, visible par le biais du « milieu gay » et par la construction d'une identité sexuelle exprimée par le sentiment d'appartenance à un groupe social, mais aussi une certaine banalisation sociale de la vie gay dans les grands centres urbains.

Genre flou. C'est précisément pour essayer de saisir les décalages dans les normes traditionnellement établies (stéréotypes sexuels) pour les identités sexuelles (hommes et femmes), le rôle de genre (masculin et féminin) et les orientations sexuelles que nous utilisons le terme de pansexualité 1. La notion de pansexualité nous renvoie aux oppositions fondamentales de l'ordre social (féminin/masculin, actif/passif, dominant/dominé, etc.), entre identité et perception de sa propre orientation sexuelle et signale la complexité de ces nuances. Par pansexualité, nous entendons une sexualité mouvante et libre quant à son genre et son objet. Ainsi, une personne pansexuelle pourra tout à la fois être attiré par un homme, une femme ou un transsexuel ; être actif et passif, dominant et dominé, hétéro, homo ou bisexuel. C'est dans ce souci d'ouverture aux autres et aux différences, dans le but d'élargir au mieux la palette sexuelle de chacun que ce livre a été écrit. Ce qui importe, est l'attirance envers un être humain, sa personnalité, ce qu'il dégage, qu'il soit homme ou femme, homo ou hétéro, actif ou passif, dominant ou dominé. On peut ainsi parler de « sexualités plurielles », où la normalité n'existe plus, toutes les pratiques devenant normales, et où des individus consentants vivent leur sexualité comme ils l'entendent. On assiste en fait à l'émergence d'une nouvelle nature sexuelle basée sur l'analyse critique des notions de genre et de sexe généré par l'hétérosexisme. Ainsi, femmes et hommes s'envisagent non en tant que mâles ou femelle mais en tant que sujets. Ainsi, sont mis à mal les bases idéologiques de l'hétérocratie. La répartition économique, sociale et productive du pouvoir patriarcal est donc ébranlée. Le vagin n'est plus le simple objet du phallus, le pouvoir se féminise, les hiérarchies tombent peu à peu. L'homosexualité se normalise ? L'hétérosexualité devient une minorité parmi tant d'autres.

Il est aujourd'hui fondamental de revoir les conceptions de la sexualité pour arriver à transformer radicalement les comportements. En premier lieu, on ne peut plus continuer à envisager la sexualité exclusivement d'un point de vue masculin. Il faut arriver à créer un espace physique et psychique pour les sexualités féminines.

Il faut par ailleurs accepter et développer l'idée que la sexualité est une question publique, objet d'expérimentation et de recherche. L'accès aux plaisirs érotiques n'est facile ni pour les jeunes ni pour les adultes parce qu'il existe peu d'espaces, que peu de règles et de rituels. Le marché sexuel n'est pas orienté vers la fête, mais vers l'exploitation La ritualisation de la violence par des jeux sadomasochistes pourrait également certainement réduire violence sociale et violence sexuelle.

Parce qu'il semble improbable d'imaginer qu'une partie importante de la population réduise ses jeux sexuels au seul coït vaginal. Parce qu'il est surprenant de voir que près de deux tiers de la population ne connaisse rien de la masturbation, de la fellation, du cunnilinctus ou de la sodomie. Parce qu'au manque de culture et d'éducation sexuelle des aînés, répond aujourd'hui la plus grande ouverture d'esprit des nouvelles générations : leurs jeux sexuels sont plus variés, plus réciproques et plus fréquents. Parce qu'il faut aujourd'hui incarner ce mouvement de libération des femmes et des homosexuels impulsé par le formidable travail des féministes des années 1970. Parce qu'à l'heure ou le Pacs (qui est notamment une reconnaissance semi-officielle du couple homosexuel) a été adopté à l'Assemblée nationale, de nouvelles formes de couples et d'unions sont à inventer.

Le but prétendu normal de la sexualité, c'est-à-dire la reproduction de l'espèce, n'a plus aujourd'hui la même valeur et nécessité qu'aux millénaires précédents. Il n'y a guère que dans les pays capitalistes comme le nôtre que l'on s'inquiète des problèmes de dénatalité. Le monde implose de surpopulation et certains pays réglementent même la reproduction humaine. Le paradigme hétérosexuel, celui de la reproduction de l'espèce n'a plus la même raison d'être que précédemment. De nouvelles voies de procréation-parentalité sont à explorer. L'apparition de « nouvelles formes de parenté » (familles monoparentales, homoparentales ou recomposées ; insémination artificielle avec donneur ; mères porteuses ; adoption aujourd'hui légale par un adulte isolé, demain peut-être par un couple d'homosexuels) viennent questionner la validité des liens plus traditionnels (le mariage), qui ne sont plus comme hier la norme. L'avenir est, qu'on le veuille ou non, grâce aux « progrès formidables de la science », à la procréation médicalement assistée que cela se passe sous la forme d'insémination artificielle, de bébé éprouvette, d'utérus artificiel ou de clonage. La structure de base hétérosexiste, la famille, implose peu à peu. Son institutionnalisation, le mariage républicain, attire de moins en moins d'élus. Près de la moitié des mariages accouchent d'un divorce et jusqu'à deux sur trois dans les grandes villes. On assiste à une véritable faillite de l'union et de l'essence de l'hétérosexualité classique. La norme en vigueur se dissout, l'hétérosexualité perd sa raison d'être et son fondement.

Le sexe est un des derniers espaces de liberté de l'humain. C'est dans la sphère sexuelle que se rejoignent animalité et humanité. Comme nous l'avons vu au cours de ce voyage intérieur, la sexualité demeure souvent un ensemble de pratiques animales. Notre propos n'est pas ici de vouloir humaniser la sexualité, bien au contraire. La sexualité est et doit rester le terrain privilégié de nos pulsions et de notre moderne primitivité. Assurément, avant de « penser » nous sommes aussi des bêtes. Il s'agit donc pour nous, humains du troisième millénaire, de savoir que s'il nous faut penser pour exister (« je pense donc je suis »), nous devons aussi bander pour être (« je bande donc je suis »). C'est à chacun de poursuivre ce voyage initiatique. C'est à nous tous de poursuivre le chemin et, à notre façon, d'écrire cette Histoire : notre Histoire. Bon voyage.

 

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