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Sexe performers performance sexuelle

 



SEXE PERFORMERS

« Un dernier coup pour la route ». Pour certains mecs, la sexualité est une compétition qui se juge en terme de performance. Stakhanovistes phallo-rectaux, les sexe performers enchaînent les partenaires comme autant d’épreuves sportives. C’est parmi les gays et les hétéros échangistes que l’on rencontre ces personnages.

Les sexe performers partent à la chasse dans une des 40 back room parisiennes et autres lieux extérieurs. 40 back-rooms comme autant de stade de la défonce. Les championnats du cul sont toujours ouverts. 40 lieux de stupres ou, pour pas cher comme dirait mon épicier arabe, et à toute heure du jour et de la nuit on peut satisfaire ses ambitions pénétratives. La vie pour certains est un match sexuel contre une montre un peu trop molle. Une communauté gay compétitive ou il faut être le plus beau, le plus intelligent, le plus riche, jeune, désirable, musclé, bien monté, futile, affable, à table et patati et patata. Une communauté de consommation sexuelle ou chacun est le pion d’une partouze permanente.

Arrive le week-end (bien que pour certains la match soit permanent). Après avoir fait un peu de minitel ou de rézo, le popotin lavé et le bois bien bandée, le sexe performer se pare de ses habits de lumières noires. La chasse est ouverte : du gibier à foison. « Combien de queues vais-je me prendre ce week-end ? combien de derrières vais-je farcir ? Combien de fois vais-je jouir ? Combien de bières vais-je m’enfiler ? Quelles drogues vais-je utiliser et à quelle dose ?». Ils prévoient déjà leurs performances. Ils affinent leurs stats persos. Le sexe en soldes permanentes, sexes et culs dégriffées.

Le combattant du sexe à ses armes : gel, poppers et capotes. Les établissements gays veillent autant aux gays qu’à leur argent. Ces back-roomers proposent donc maintenant du gel en distributeur. Ils font la tournée des bars et bordels, à la recherche de nouveaux partenaires. Combien de mecs au tableau de chasse ? un, deux, trois, quatre ou plus encore ? Cela ne s’arrête pas, ne s’arrête jamais, car le désir une fois comblé déjà renaît et bande. Ils mettent un cockring pour toujours bien bander. Certains prennent du viagra ( à ne jamais associer au poppers). Car les sportifs du sexe ont aussi leur dopant libidinal. L’alcool, drogue en vente libre, ça déshinibe. Puis la drogue, la coke, les ecsta, etc. Alors forcément, les sexe runners sont plus performants. Il faut bander pour être, jouir pour exister. Chaque partenaire, comme des points à leur palmarès et la preuve formel de notre existence. Existence purement sexuelle. Et, comme dit la chanson, au petit matin, ils se retrouvent, à nouveau, tout seul comme un tocard.

En pratique :

Fast-Fuck. Action = Vie. 1990, j’ai dix-neuf ans. 15 000 cas de sida ont été recensés en France. Je n’ai plus rien à perdre alors je fonce, les ailes déployées, prêt à me consumer. Je dois encore apprendre à rire de la vie et de moi.

J’ai dormi à la belle étoile comme dans une aventure du Club des cinq, je crois que je resterais toujours un enfant. Je me réveille, encore dans le coltard. La nuit dernière, j’ai traîné au Cap d’Agde, en solitaire, sur le port. Toutes ces familles, ces mouflets, ça gueule, ça piaille, ça donne mal à la tête… Heureusement que je suis folle des pieds, j’ai échappé à tout ça, sinon, j’aurais déjà mes charentaises et mon gros ventre. Oui-oui, décidément, parfois je suis très-très content d’être un pédé.

Je suis passé à la Scala, une boîte fastidieuse, avec son spectacle de trav’s ridicule. Alors, j’ai fait la cagole avec mon sifflet et le T-shirts Act Up à triangle rose, la toute nouvelle association activiste que j’ai connu à ma première Gay Pride à Paris en 1989. Silence = Mort. Je préfère encore le Phébus à Montpellier. Christiane, la patronne, notre mère à tous, est toujours là depuis plus de vingt ans : c’était la Jeanne Moreau du bordel de Querelle. 10 heures. Je vais à culnuland, la plage des homosexuels. J’achète mon Libé, la queue à l’air. J’aimerais voir la tronche de mon marchand de journaux de la rue des Archives à Paris, si je m’y pointais en tenue d’Adam ! Ici, on est loin de tout, nus comme des vers, à la recherche d’une liberté archaïque, perdue. J’ai un corps, donc je suis. C’est les vacances, oui-oui !

Après avoir marché un long moment sur la plage, j’arrive à la zone des tapettes, ça grouille de partout. Je n’avais jamais vu un tel troupeau d’enculés, même à Sitgès ou à l’Espiguette. Je deviens vache heureuse et grégaire parmi son troupeau. Je m’installe et plonge dans l’eau.

Nu et cherchant ce queue je pourrais bien me mettre, je rejoins vite le petit bois derrière la plage, capotes et lubrifiant pour seuls vêtements. Après le coin échangistes, je tombe sur deux zones de dragues à pédés. Un labyrinthe de roseaux conduit jusqu’à une maison à l’abandon. Les hommes sont plantés là, se touchent. À l’intérieur de la vieille bâtisse, dans la pénombre accueillante et fraîche, les corps communient. Le sol est jonché de capotes, signes des jouissances éprouvées. Je ressors et, minotaure au sexe dressé, rejoins la danse infernale du dédale. On se retrouve ici comme enfermé dans son propre désir à tourner et tourner encore. Le désir se montre et se vit, libre. C’est décidé, je me ferais au moins cinq mecs dans la journée et pars à la recherche du premier. Il est vrai que les tantes ne pensent qu’au sexe. Je rejoins le bois des enculés. La scène ressemble à une huile de paysans au champ du XIXe siècle : c’est romantique cette moisson de bites. Il fait chaud, je suis nu au soleil, offert à la nature. Un garçon croise mon désir. Sans mot dire, nous nous enfonçons dans la forêt, à l’abri des regards, cachés. Nos corps s’épient au soleil, nos ombres s’enlacent. Rideau. Et d’un. Petit à petit, je commence à me sentir libre dans mon corps et ma sexualité. Aux suivants. Sur la plage, un attroupement d’une centaine de personnes en cercle. Je rejoins la parade. Deux femmes et un homme s’attouchent, cunilingus et tutti quanti. Tous les regards sont accrochés à ces corps, des hommes se branlent, excités, ou se font branler par leur femme. Du vrai porno driving beach ! J’en profite pour mater les queues 100 % hétéro, AOC. Nous sommes des bêtes, nous ne pensons qu’au sexe. Serait-il donc possible de vivre sa sexualité sans culpabilité ?

Je retourne au bordel à ciel ouvert, je veux du réel, des gros seins, des gros culs. Dans la multitude des rencontres, je tombe, nez à nez, oulala, sur un membre imposant et lourd, comme je les aime, agréablement porté par un mètre quatre-vingt de viande rouge. J’en fais mon affaire, je tâte, soupèse et achète. Nous restons là, à faire l’amour, nous prendre. Une dizaine de mecs nous observe, le poignet fébrile. C’est la première fois que je baise en public, ce n’est pas du tout évident à assumer, mais c’est libérateur. Je suis content d’avoir de moins en moins honte d’être un enculé. Rideau. Je ne suis plus maintenant qu’un simple objet sexuel. De consommation. Et de deux. Aux suivants.

Les roubignoles déshydratées, je retourne vers la mer. Je suis Robinson à la recherche de son troupeau de Vendredis, à me perdre, à me trouver, dans les limbes de mon désir. Encore et toujours excité, je croise une bande de garçons. Nous nous retrouvons à cinq dans un fourré. C’est ok, je vais donc me faire une brochette d’hommes. Je me régale, les pièces sont de qualité, tendres et savoureuses. Ca fond dans la bouche. Je m’attarde sur le plus gros morceau. Rideau. Et de six. Aux suivants.

Le désir à peine assouvi déjà revient. De retour sur la plage, un nouvel attroupement se crée. Un couple s’exhibe. Le mec commence à travailler la moule de sa poupée. Un superbe culturiste s’approche, la queue majestueusement dressée, le gland champignonesque. Le mari dirige la bite du beau mec vers le troufignon de sa chérie. Il la baise, sans Kpote. Le sida, connait pas ! Ils connaîtront bientôt. Moi aussi parfois, je me fais prendre ou je baise sans capotes. Après tout je n’ai plus rien à perdre, j’ai dix-neuf ans et je vais bientôt crever. J’ai été trahi, je peux donc, moi aussi, à mon tour, trahir. Extrait de Je bande donc je suis, , Balland, 1999.

 

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