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critique serial fucker

 



J’aime pas la capote!

Serial fucker, journal d’un barebacker de É rik Rémès (Éditions Blanche, 2005)

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Le maître des amours est le deuxième roman de É rik Rémès publié chez Balland en 2000. Il succède à Je bande donc je suis qui représente le premier succès littéraire de Rémès. Bref, l’auteur lui-même aurait tendance à considérer Le maître des amours comme une parenthèse avant la parution de Serial Fucker, journal d’un barebacker et du Sexe guide ou Guide du sexe gay. Le maître des amours — histoire de cet homme qui se prostitue, après avoir travaillé en tant que journaliste dans la presse — annonce, pourtant, Serial fucker. Car, comme ce livre en partie autobiographique — Serial fucker — , Le maître des amours mêle à la fois histoires sexuelles et de nombreux détails relatifs à la sexologie. En effet, en même temps que É rik Rémès rédigeait ce deuxième roman, il préparait un ouvrage pédagogique sur la sexualité que Guillaume Dustan, pourtant emballé au départ par le projet, refusât finalement de publier dans sa collection Le rayon (il s’agit, bien entendu, du Sexe guide ou Guide du sexe gay).

Mais Serial fucker se distingue, d’une part, par sa maturité intellectuelle et, d’autre part, par sa diversité documentaire. Cette dernière manquait au Maître des amours lequel était ennuyeux en raison de ses nombreuses redites (le personnage principal surnommé BerlinTintin — comme dans Je bande donc je suis et Serial fucker — alternait accueil des clients, et explication sur le moyen d’atteindre l’orgasme sexuel chez l’homme ou chez la femme). Le maître des amours avait, en conséquence, un côté artificiel qui disparaît dans Serial Fucker.

É rik Rémès a l’intelligence de raconter la vie d'un gay qui baise plus ou moins sans préservatif ; d’autant que celle-ci connaît une évolution : tout d’abord, nous voyons BerlinTintin multiplier les expériences sexuelles sans capote dans les backrooms, et faire souvent la fête durant les week-ends. Il vit comme son ami Patrick qui a l’habitude de s’autodétruire par l’alcool, le sexe et la drogue. Cependant, BerlinTintin/É rik Rémès se rend compte du caractère inconscient de cette vie, et cherche à avertir les siens du danger de cet échappatoire trompeur face à la dépression.

De même que si É rik Rémès se présente comme un partisan du bareback, c’est-à-dire le besoin de faire l’amour sans préservatif, s’il répond de manière parfois vive aux polémiques lancées par Didier Lestrade et l’association Act Up, il ne refuse pas néanmoins de parler de manière sérieuse de la prévention contre la maladie — comme il le fera dans le Guide du sexe gay ou Sexe guide. La vie de BerlinTintin est ainsi ponctuée par les événements qui ont marqué le débat sur le bareback. Outre les annonces de « barebackers » sur des sites gays, les réunions houleuses qui voient s’affronter les adeptes de la prévention comme Act Up, d’un côté, et, de l’autre, les intellectuels comme Guillaume Dustan et É rik Rémès (Rémès ne semble toutefois pas partager le discours de l’auteur de Nicolas Pages : à plusieurs reprises, je remarque que Rémès refuse d’adopter la position extrême de Dustan qui tend, selon lui, à remettre en cause tout principe de prévention ; bien que, si l’on se réfère à son chef-d’œuvre Génie divin, Rémès et Dustan paraissent partager les mêmes idées sur la responsabilité de chacun et le besoin de « baiser entre séropos » pour lutter contre toute espèce de culpabilité), on retrouve certains passages qui seront développés dans le Guide du sexe gay.

É rik Rémès s’interroge sur ce quotidien de l’homosexuel parisien dont l’existence se limite grossièrement à la consommation de sexe et de stupéfiants. En fin de compte, il s’oppose au consumérisme de la société actuelle, et nous donne une leçon de vie — parce que, sous prétexte de prévention, il faudrait cacher les pratiques des homosexuels qui profitent des trithérapies et voient de plus en plus s’éloigner l’heure de la mort causée par le virus du sida — avec ce roman intitulé Serial fucker.

Thomas Dreneau

 

www.erikremes.net